Des mails avec Bureau Brut

Scroll
Photographie de couverture et de l’interview © Bureau Brut

 

Bureau Brut est une jeune entité qui voit le jour, avec l’association de Camille Prandi, Julia Joffre & Yoann Minet. Il ouvre au 31 Rue Jean Jacques Rousseau à Montreuil le 21 Octobre 2015. Créer un studio de design graphique aujourd’hui semble courageux au vue du paysage et de l’économie actuelle qui en redéfinit de façon perpétuelle les contours. C’est donc une affaire de passion, d’amitié et d’opportunités. Voici quelques échanges par mails avec les principaux concernés.

Vous vous rencontrez au sein de la même formation à l’école Estienne à Paris DSAA Design Typographique. Vous venez tous de Paris ?
Nous nous sommes effectivement rencontrés pendant le DSAA design typographique à l’École Estienne, mais aucun de nous n’est parisien au départ. À cette époque nous n’avions pas envisagé la création d’un studio ensemble, c’était plus une idée qui trottait dans un coin de notre tête. En plus, on n’aurait pas pu créer quelque chose directement en sortant du DSAA, on n’aurait pas su comment s’y prendre et c’était important pour nous d’avoir des expériences professionnelles chacun de notre côté. La motivation nécessaire pour monter le studio est d’ailleurs arrivée pendant ces expériences.

Vous avez fêté votre première année d’activité le 21 octobre dernier, pouvez vous revenir sur la création du Bureau Brut, et ce qu’il propose ?
Comme on le disait, c’est après avoir tous travaillé dans des studios et sur des missions free-lances qu’on a vraiment eu envie de monter quelque chose. Le véritable élément déclencheur a été une de nos connaissances qui en gros nous a dit “si vous vous associez, je vous donne un projet”. À partir de là on s’est posé la question bien plus sérieusement et on a décidé de construire ça à fond : on a créé une société, pris un comptable et trouvé un bureau ! C’était une étape essentielle car ça nous a permis de créer une entité qui nous rassemble pour marquer notre association et d’établir un fonctionnement entre nous. Surtout qu’on a choisi de tout mettre en commun, sur le principe de un pour tous, tous pour un. On est bien conscients que c’est peut être un peu expérimental mais pour le début on voulait tenter un truc, on verra bien comment ça évolue dans le temps.

Quelle était votre ambition en dessinant le Brut Grotesque ?
Le Brut Grotesque est un caractère que nous avons dessiné pour le langage graphique de Bureau Brut. Notre première réflexion se basait sur un constat simple : notre identité doit être peu bruyante pour valoriser nos commandes et générer du sens avant tout. Nous étions donc intéressés par l’idée d’un principe qui nous rassemble et c’est la notion d’outil — élément commun à tout processus créatif — qui a émergé. La question de l’outil typographique s’est évidemment posée.

Le style du Brut grotesque est né de cette envie d’avoir un caractère le plus invisible possible, on a donc opté pour une linéale optique entre le Neue Haas Grotesk et le Folio grotesque. L’usage, en corps optiques donne la sensation d’un seul outil qui trace l’ensemble de la composition, le fût d’une lettre est toujours de la même épaisseur (1 point ou 1 pixel) comme nos filets et tout autre élément graphique. La ligne caractérise l’ensemble de nos supports de communication. Déconnectés de cet usage et remis à la même taille, les styles du Brut Grotesque forment une famille tout à fait classique. Nous l’utilisons d’ailleurs de cette façon dans certains de nos projets et nous le distribuons sur demande.

Le développement de notre identité et la création du Brut Grotesque à six mains était une autre étape importante et manifeste de ce qu’on souhaite : travailler typographie et graphisme en connexion.
Ce qui nous amène directement à notre activité : design graphique et typographique. Cela se traduit par des commandes de graphisme (du langage graphique à l’édition) et des créations de caractères custom (pour la signalétique ou l’identité). On peut dire que nous sommes un studio de graphisme avec une expertise en typographie prononcée.

Comment les tâches sont-elles réparties au sein du bureau ?
On avait des compétences différentes en arrivant, Yoann a fait du développement et du dessin de caractère, Julia beaucoup d’identité visuelle et Camille plutôt de la signalétique mais l’idée de la mise en commun des compétences c’est de sortir de ces spécialisations et de tout faire. La première année, chacun a donc pris part à chaque projet pour tout tester. C’était une phase d’essai pour qu’on apprenne à travailler ensemble. L’occasion aussi de se rendre compte qu’on a chacun nos points forts et faibles, qu’il y a des choses sur lesquelles on se complète très bien et sur d’autres pas (l’administratif par exemple, chacun y met du sien). Cette première année, nous a permis dans un second temps, de remettre tout à plat et de proposer une nouvelle organisation. Nous pensons refaire ce type d’expérience tous les ans, afin d’être pleinement dans la construction.

Étant un jeune studio de design graphique, avez vous un modèle de studio auquel vous vous identifiez ? Un modèle que vous souhaitez éviter ?
L’idée de construction par l’expérience qu’on veut explorer ne se base pas sur un modèle idéal à atteindre. On a visité des structures différentes qui nous ont toutes apprises des choses, qui nous permettent de nous positionner mais il n’y en a aucune qui soit un modèle en soi.

Comment traitez-vous la rencontre avec le client ? Rencontrez vous vos potentiels clients en trio ? Ou bien chacun possède ses propres contacts et propose le Bureau Brut comme une réponse adaptée à chaque projets / demandes spécifiques ?
Au début de chaque projet on fait une rencontre à trois avec le client, c’est important de nous présenter en tant qu’équipe. Par la suite, l’un d’entre-nous devient l’interlocuteur principal et selon l’ampleur des projets nous travaillons en équipe réduite. Par contre la partie conception et réflexion du projet se fait toujours à trois. Il nous arrive encore d’avoir des cas où l’on est sur des collaborations individuelles pour des missions spécifiques mais cela arrive de moins en moins.

Vous avez été mandaté pour réaliser un objet éditorial à la demande conjointe des écoles supérieures d’arts appliqués de Paris, comment vous-êtes vous organisés pour respecter l’identité et l’intention de chacun de ces établissements ?
Nous n’avons pas eu à composer avec chaque école individuellement mais bien avec leur rassemblement. D’ailleurs nous avons eu un nombre très limité d’interlocuteurs ce qui a rendu la communication plutôt simple. Il faut tout d’abord se dire que ces demandes sont normalement des dossiers A4 à reliure spirale mis en page sous Word. Comment aborder alors cette demande, mettre en avant la valeur ajoutée des écoles de design, ce qui fait leur identité, leur particularité. Retranscrire la voix commune de ces écoles (chacune avec ses spécialités) tout en conservant le sérieux du document et sa vocation. Plutôt que de se poser la question d’une ligne graphique nous avons travaillé en partant des contenus et en les organisant pour les rendre simple d’accès. La mise en page découle de cette idée, finalement assez en retenue et pas dans la démonstration graphique.

Vous avez collaboré avec Julien Lelièvre, pour l’identité du scénographe David Lebreton. Quelle a été votre méthode de travail collective pour ce projet ?
Notre double pratique nous permet d’échanger facilement avec les autres designers. Dans le cas de collaborations comme celle-ci notre travail se finit avec la livraison du caractère mais ce qui nous intéresse avant tout c’est d’être présents dès le début du projet et d’élaborer une réponse ensemble. La discussion est un élément important de notre processus de création, que ce soit avec nos commanditaires ou avec d’autres designers.

Comptez-vous faire des collaboration cross-médias ?
C’est quelque chose qui nous intéresse, on a pas encore eu d’occasion pour l’instant mais qui sait !

Une commande / un projet que vous souhaiteriez faire ? Qui vous tient à cœur ?

Il y a beaucoup de sujets que nous voudrions un jour traiter, à titre d’exemple une encyclopédie animalière ou de botanique, mais nous aimerions aussi réaliser des projets dans nos villes d’origines (Tulle, Clermont-Ferrand ou Toulouse).

Votre livre par excellence ?
Impossible de n’en choisir qu’un ! Nous avons fait une super-micro-sélection sans hiérarchie d’ouvrages qui comptent pour nous (pour des raisons très différentes) et qui sont dans notre bibliothèque : Anthony Froshaug : Typography & texts / Documents of a life édité par Robin Kinross, Coxcodex de Paul Cox, Printed matter de Karel Martens, Typographie de Emil Ruder, Fonts & Logos de Doyald Young et Graphic design : now in production édité par Andrew Blauvelt et Ellen Lupton.

Qu’écoute t’on au Bureau Brut ?
On essaye de ne pas chanter du PNL tous les jours.

Un mot pour les copains ?
Pour les verbicrucistes vertical 6 + = MIS

 

EnregistrerEnregistrer

Comments are closed.