En couverture : aperçu de l’article de Loraine Furter : ~INCLUSIFVES — Boîte à outils pour des graphies non binaires
publié dans le N°7 de la revue Panthère Première.
–
Où la graphiste Loraine Furter, membre de la collective Bye Bye Binary,
nous invite à penser et travailler – à plusieurs – des typos d’un nouveau genre.
« En Belgique, en Suisse ou au Québec, l’emploi de l’écriture inclusive fait doucement son chemin dans les administrations, lieux publics, médias et universités. Mais en France, où le « bon parler » semble gravé dans le marbre, ça coince et ça proscrit. Le besoin toujours pressant de réprouver l’écriture inclusive semble toutefois témoigner de son usage grandissant. Mais alors, inclusive de qui ? Il s’agit d’employer des féminins lorsque l’on parle de femmes ou que l’on s’adresse à elles, même au sein d’un groupe, et de représenter la diversité des genres. Et ce n’est pas une invention de toutes pièces : usage de pronoms adéquats, mention côte à côte du féminin et du masculin ou accord de proximité étaient légion jusqu’au XVIIIe siècle. De même, bon nombre de formes féminines des noms de métiers, titres et fonctions disparurent entre la Renaissance et le XIXe. Pour écarter une confusion qui nuit au débat, précisons enfin que l’écriture inclusive ne se réduit pas au seul point médian, cette convention écrite imparfaite qui sert à éviter les répétitions.
La polémique est vive. Certaines critiques sont franchement faibles – “c’est moche” – tandis que d’autres méritent davantage qu’on s’y attarde : cela rendrait notamment plus difficile la lisibilité et l’apprentissage de la langue, une problématique surtout pertinente pour le point médian, et qui manque un peu de volume sous la plume de personnes qui défendent par ailleurs des règles d’orthographe et de grammaire compliquées. D’autres souligneront que l’écriture inclusive revient à promouvoir un usage binaire et sexualisé de la langue. Mais c’est oublier que si le français est particulièrement genré, il existe une série de termes collectifs (“les responsables”, “le public”, etc.), de pronoms (“on”, “nous”) ou de tournures impersonnelles (“la décision a été prise” et non “ils ont décidé”) qui permettent souvent de contourner cet aspect, et penser à les employer fait partie de la démarche d’épicénisation.
Sur le terrain, du côté des typographes notamment, les expérimentations vont bon train. Membre de différents collectifs engagés dans la recherche en design graphique et les projets féministes intersectionnels, Loraine Furter revient pour nous sur les enjeux et les innovations actuellement à l’œuvre dans ce champ.
Les typographes (terme épicène) sont sans cesse à la recherche de nouvelles formes pour les lettres qu’ielles (flexion) dessinent. En 2018, lors d’une rencontre que j’animais dans un festival de graphisme à Liège, je n’ai pas pu retenir mon enthousiasme : l’écriture inclusive offre un nouveau terrain d’expérimentation, qui verra peut-être la création de nouvelles lettres ! Présente à cette rencontre, la graphiste Roxanne Maillet avait monté, un an auparavant, un atelier de recherche typographique avec l’écrivaine de science-fiction féministe Clara Pacotte, prolongé par un appel à posters pour une exposition. Elles y posaient la question : “Quels gestes typographiques / ou autres donneraient la possibilité à des personnes qui ne se catégorisent ni comme femme, ni comme homme de pouvoir avoir accès à des glyphes, caractères et différentes alternatives qui leur permettraient de se conjuguer ni au féminin, ni au masculin, ce que le langage binaire et hétéronormatif français nous impose ?” Quelques mois plus tard, sous l’impulsion de Caroline Dath°Camille Circlude, un workshop s’organise à Bruxelles, et la collective Bye Bye Binary naît de son bouillonnement.
Composée de graphistes, de typographes, d’étudiant·es et d’enseignant·es (points médians), elle a pour objectif d’explorer le champ infini de la typographie inclusive et non binaire, y ajoutant des réflexions sur les émojis, les fontes variables, l’oralisation de ces formes écrites, etc. Nos propositions typo·graphiques s’appuient sur les travaux de chercheur·euses qui ont rappelé la dimension construite du français au cours de l’histoire et identifié des formes anciennes qui avaient été occultées par un mouvement de masculinisation de la langue dont on hérite aujourd’hui, avec des règles comme celle du “masculin qui l’emporte sur le féminin”. Le mot “autrice” a ainsi fait son retour après des années passées aux oubliettes, de même que l’accord de proximité, où le mot le plus proche de l’adjectif à accorder l’emporte. Parallèlement à ces revivals, de nouvelles propositions imaginent des accords, des règles syntaxiques et des conventions graphiques plus inclusives (accord de proximité). Le point médian – certainement la plus connue – permet par exemple une contraction du masculin et du féminin en évitant l’usage des parenthèses qui met littéralement entre parenthèses le féminin […] » (Loraine Furter cit. ~INCLUSIFVES — Boîte à outils pour des graphies non binaires)
→ Consulter l’intégralité de l’article de Loraine Furter
Pour aller plus loin :
→ Une conférence du collectif Bye bye binary
→ genderfluid.space le site de Bye bye binary
→ Consulter le communiqué de presse : La typographie inclusive, un mouvement *!
→ Consulter l’article du Cnap : Focus sur… la typographie inclusive avec Caroline Dath
→ typo-inclusive.net