Nicolas & le livreur Nectar

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Extrait de Une monographie publicitaire : Nicolas
Claude Vielfaure Communication et langages, 1970

« Une campagne publicitaire qui dure près de cinquante ans est un fait rare. C’est le cas des établissements Nicolas qui ont eu jusqu’à ces dernières années une conception de leur affaire qui faisait de la publicité une activité non moins importante que la sélection et la distribution de leurs produits, vins, alcools, apéritifs.

C’est en 1922 qu’apparaît ‹ Monsieur Nicolas ›, alias ‹ Nectar livreur ›. Il était l’oeuvre du peintre et caricaturiste Dransy. Le personnage réel a existé. C’était un livreur. Il est tellement réussi qu’il est devenu, auprès de Bibendum, le ‹ personnage type › que l’on cite, dans les milieux publicitaires, chaque fois qu’on parle d’une affaire commerciale ‹ qui a un visage ›. Or — et c’est le fait intéressant à noter dans cette étude — ce personnage a beaucoup de défauts. Les psychologues publicitaires, les directeurs de marketing, les organismes de sondages, qui n’existaient pas à sa naissance et qui, depuis, exercent en grand nombre leur activité, lui trouveraient au moins cinq importantes ‹ lacunes publicitaires ›

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1 . il n’est pas beau (c’est un vieux moustachu);
2. il est démodé aujourd’hui et aurait besoin d’être rajeuni (moustaches, etc.);
3 . il tient ses bouteilles en ayant l’air de les secouer (ce qui est un comble pour un marchand de vin);
4. sa mise semble un peu négligée (il manque de ‹ tenue ›);
5. le dessin n’est pas très stylisé ni même réussi sur le plan artistique (mais, de ce point, on peut discuter, puisqu’il appartient au domaine très subjectif de l’art).

Or, malgré ces lacunes, il a ‹ percé › — il a réussi — , il est accepté. Il est aimé. On le trouve drôle, plein de chaleur. Et, pourtant, il est le contraire des ‹ hôtesses d’accueil › en toque et tailleur rose que la moindre banque ou la moindre affaire un peu importante se doit de posséder, avec tous ses ‹ canons › (de beauté, de sourire, de voix, de maintien, etc.). C’est qu’ici se place un autre critère : la communication publicitaire n’est pas seulement le contenu, la matière même du message. Elle est aussi, comme à la guerre, dans l’emploi qu’on fait de son matériel. Dans la tactique. Si la tactique est supérieure, on peut quelquefois ‹ percer › avec un matériel inférieur en qualité à celui de l’adversaire. Et, chez Nicolas, la tactique d’emploi de Nectar-livreur a été, toujours et partout, efficace.[…] »

– Claude Vielfaure cit. Une monographie publicitaire : Nicolas

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