Matisse – Jazz

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Les images de l’ouvrage Jazz sont extraites du site de christies

« Sur la fin d’une carrière de peintre, sculpteur et lithographe véritablement prodigieuse, Matisse fut terrassé par la maladie et ne fut plus en mesure de tenir sur ses jambes et de se servir d’un pinceau très longtemps. Alors qu’il approchait des 80 ans, il mit au point une technique consistant à découper directement aux ciseaux dans du papier de couleur vive. Ce qui reçut le nom de gouaches découpées constitua une révolution dans l’art moderne. A l’époque, de nombreux critiques virent dans cette œuvre la manifestation de la folie d’un vieillard sénile, tandis que de nos jours on pense communément qu’en découpant avec des ciseaux des formes dans du papier, Matisse avait brillamment résolu dans un seul geste l’antagonisme classique entre le dessin et la couleur. »

– cit. taschen.com

 
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« En 1946, Matisse achève la maquette de son “ livre-fleur ”, Jazz – composé de vingt planches en couleurs, exécutées en gouaches découpées entre fin juin 1943 et 1944, et de pages d’écriture –, qui sera publié par Tériade en 1947. Ce premier ensemble utilisant systématiquement et uniquement la technique de la gouache découpée “ à vif ” dans la couleur va constituer la matrice de son œuvre ultérieur, jusqu’à sa mort en 1954 : c’est dire l’importance de l’ouvrage. À partir de la réalisation des planches de Jazz, la pratique de Matisse de la gouache découpée se modifie sensiblement. Elle n’est plus seulement une étape intermédiaire dans la réalisation d’une œuvre ; elle devient progressivement aussi un moyen d’expression autonome. […]

« Le papier découpé me permet de dessiner dans la couleur. Il s’agit pour moi d’une simplification. Au lieu de dessiner le contour et d’y installer la couleur – l’un modifiant l’autre -, je dessine directement dans la couleur, qui est d’autant plus mesurée qu’elle n’est pas composée. Cette simplification garantit une précision dans la réunion des deux moyens, qui ne font plus qu’un. »
– Henri Matisse cit. Ecrits et propos sur l’art, André Lejard, 1951. –

 
Les planches de Jazz, reproduites dans le livre au pochoir, avec les mêmes gouaches de chez Linel que celles utilisées par Matisse pour les maquettes, sont des “ cristallisations de souvenirs du cirque, de contes populaires, de voyages ”. Nombre de motifs tout en arabesques, conçus dans la lumière et le foisonnement végétal du Midi méditerranéen de la villa Le Rêve, à Vence, où Matisse emménage en juin 1943, évoquent des feuilles-algues et des lagons immatériels, thèmes ressurgis des souvenirs de son voyage à Tahiti en 1930. Si l’ouvrage achevé suscite l’enthousiasme du public et de la critique, le jugement de Matisse est tout différent. “ C’est absolument un raté ”, confie-t-il à André Rouveyre, avant de conclure : “ Ces choses doivent rester comme elles sont, des originaux – des gouaches tout simplement. ” Après la réalisation des images de Jazz, Matisse poursuit cette pratique pour lui-même […] »

– Anne Coron, cit. Collection art graphique – La collection du Centre Pompidou, 2008 –

 
Publié en septembre 1947, mais élaboré dès 1943, Jazz (maquettes et livre) se situe donc à un moment-clé dans l’évolution de Matisse, c’est l’espace expérimental, le laboratoire qui lui permet de passer de la peinture à la pratique du papier découpé qu’il développera pendant la dernière décade de sa vie […] Tériade avait suggéré à Matisse dès l’été 1941 la publication d’un livre en couleur et même celle d’un “ manuscrit à peintures moderne ”. Il pensait dès cette époque à l’utilisation des aplats colorés à la gouache que Matisse avait commencé à mettre au point, jusqu’alors seulement pour des projets ponctuels, couvertures pour Cahiers d’Art et pour Verve notamment. Matisse ne commence à travailler effectivement sur les maquettes que début 1943. Les premières réalisées sont Le Clown et Le Toboggan (qui deviendront respectivement la première et la dernière planche du livre) sur le thème du Cirque qui était le titre primitif choisi par Matisse avant qu’il ne retienne le mot Jazz, mieux accordé au caractère vif et syncopé des découpages colorés. La réalisation des planches se poursuit pendant l’année 1943, et le début de 1944. Gaston Diehl voit bon nombre d’entre elles lors de sa visite au printemps. Le 5 août 19443, Matisse énumère à Tériade dix-huit maquettes, les planches sont donc presque achevées (à l’exception de deux Lagons).

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Pendant ce temps se poursuivent des essais minutieux sur le choix de la technique d’impression. Et Matisse prend la décision (en 1946) de rédiger lui-même le texte destiné à accompagner les planches, et de le recopier au pinceau : les grandes pages d’écriture, reproduites en fac-similé, alterneront avec les planches comme plus tard dans la Chapelle de Vence, les éléments noirs et blancs (carreaux de céramique) avec les vitraux intensément colorés. […]

“ […] Pour Jazz, malgré que les contours des images n’ont pas la pureté de mon coup de ciseaux, les couleurs sont bonnes et semblables exactement aux originaux que j’ai découpés dans les feuilles de papier que j’ai fait coucher à la gouache par une dominicaine avant le couvent. Et les reproductions sont faites avec exactement les mêmes gouaches de chez Linel — même un certain roux foncé, que Linel fabriquait avant la guerre avec des couleurs allemandes, a demandé des recherches en Allemagne pour trouver exactement le même. Bien que le résultat n’ait pas le charme de l’opération de découpage, il n’en reste pas moins que les mêmes couleurs sont assemblées avec les mêmes rapports énergiques et harmonieux. Ces rapports sont nouveaux, le dessin s’y trouve aussi et, pour qui n’a pas vu les originaux, ce que donne le livre est le principal […] D’après les journaux, et ce qu’on m’a fait savoir de divers côtés, ce livre a beaucoup de portée près des peintres qui voient la couleur et le dessin associés sans que le sentiment souvent délicat en soit pour cela aboli […] Assez causé là-dessus. Les murs de ma chambre sont pleins de découpages […] Je ne sais encore ce que je ferai de ces nouveaux découpages, certainement pas un Jazz. C’est le résultat qui a plus d’importance qu’il n’en a l’air. ” »

– Isabelle Monod-Fontaine, cit. Œuvres de Matisse, 1989 –

 

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