First Things First 2000

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« En 1999, trente trois personnalités du monde du graphisme signaient le manifeste ‹ First Things First 2000 › publié dans une série de revues spécialisées. Le texte proposait pour le XXIᵉ siècle ‹ un renversement des priorités en faveur de formes de communication plus utiles, durables et démocratiques – un changement d’état d’esprit d’avec la production marketing et vers l’exploration et la production d’un nouveau genre de signification.› Ces auteurs appelaient ainsi à l’engagement pour un graphisme d’utilité publique, contre un graphisme de persuasion.

Ils soulignaient l’enjeu politique de la création graphique, sa responsabilité dans la modélisation de nos comportements, affirmant qu’il n’existe pas de neutralité en la matière: ‹ Les graphistes qui ne pensent pas ce qu’ils font ou pourquoi ils le font, créent du mauvais graphisme › conclut le critique Rick Poynor. » (Arnaud Fourrier, cit. Un combat, des symboles, un siècle d’affiche politique en Europe).

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Ce manifeste a été publié dans les magazines Adbusters, AIGA Journal, Blueprint, Emigre, Eye, Form, Items, entre l’automne 1999 et le printemps 2000.

Nous, soussignés, concepteurs graphiques, directeurs artistiques et plasticiens, avons grandi dans un monde où les techniques et les instruments de la publicité nous ont constamment été présentés comme le moyen le plus lucratif, le plus efficace et le plus séduisant d’exercer nos talents. Nombre d’enseignants et de mentors encouragent cette croyance ; le marché lui apporte son suffrage ; un flot de livres et de publications l’alimentent.

Encouragés dans cette voie, les concepteurs appliquent alors leurs compétences et leur imagination à vendre des biscuits pour chiens, du café, des diamants, des détergents, du gel pour cheveux, des cigarettes, des cartes de crédits, des chaussures de tennis, des produits contre la cellulite, de la bière light et des camping-cars résistants.

L’activité commerciale a toujours payé les factures, mais maintenant beaucoup de designers, dans une large mesure, en font l’essentiel de leur travail quotidien. C’est de cette façon que le monde, à son tour, perçoit la conception. La profession épuise son temps et son énergie à créer une demande pour des choses qui sont au mieux superflues.

Beaucoup d’entre nous sont de plus en plus mal à l’aise avec cette vision de la conception. Les designers qui se consacrent pour l’essentiel à la publicité, au marketing et au développement des marques soutiennent et approuvent implicitement un environnement mental tellement saturé de messages commerciaux qu’il change la façon même dont les consommateurs-citoyens parlent, pensent, sentent, réagissent et communiquent entre eux. Dans une certaine mesure nous contribuons tous à codifier un discours officiel réducteur et infiniment nuisible.

Nos compétences seraient mieux utilisées à défendre des causes et à résoudre des problèmes plus importants. Des crises environnementales, sociales et culturelles sans précédent requièrent notre attention. Beaucoup d’interventions culturelles, de campagnes de marketing, de livres, de magazines, d’expositions, d’outils éducatifs, de programmes de télévision, de films, de causes charitables et d’autres projets de conception de l’information exigent instamment notre expertise et notre aide.

Nous proposons un renversement des priorités en faveur de formes de communication plus utiles, plus durables et plus démocratiques – une prise de conscience éloignée du marketing de produit et tournée vers l’exploration et la production d’une nouvelle forme d’expression. Le champ du débat se resserre ; il doit s’étendre. La défense du consommateur demeure incontestée ; elle doit être mise à l’épreuve par d’autres perspectives exprimées, en partie, par les langages visuels et les ressources de conception.

Plus de ressources sur First Things First 2000
Une traduction en français du manifeste sur erba-valence.fr
→ Un très bon articles sur le sujet via eyemagazine.com