Le texte de ce portrait est extrait de l’article Władysław Pluta L’Évidence Du Signe
« Designer d’exception au travail minimaliste, véritable quête simultanée de réduction des moyens visuels d’expression et d’efficacité du sens. Władysław Pluta (1949), designer graphique et enseignant du Département Design Industriel de l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie, a su développer une écriture qui lui est propre basée sur un usage exclusif de la typographie, à la fois clairement ancrée dans le modernisme et capable de se renouveler à travers chaque contexte de projet, et ce, aux antipodes de l’image communément admise de ‹ l’École Polonaise ›. Le signe typographique, trop souvent utilisé comme une image gratuite dans une fascination formelle stérile, devient dans la méthodologie de travail de Władysław Pluta une solution faisant sens et appel à l’intelligence de chacun.
De son projet de diplôme au début des années 1970 qui constitue une clé de lecture de l’ensemble de son oeuvre, à la découverte de ses affiches et logotypes à l’efficacité exemplaire en passant par son approche structurelle de la conception de livres, cette exposition permettra d’apprécier la continuité méthodologique de sa production quelque soit le champ du design graphique abordé. Personnage discret volontairement en retrait de la scène médiatique, Władysław Pluta est aussi un pédagogue hors pair qui a toujours fait le choix d’un engagement continu depuis plus de quarante ans dans la promotion et la transmission du design graphique en Europe. »
– cit. typomorpho.fr –
« Avez-vous commencé à travailler par un champ spécifique du design graphique ou au contraire avez-vous travaillé de façon simultanée sur des projets affiche / édition / identité visuelle / signalétique ?
Dès le début de ma carrière je me considérais comme designer de la communication visuelle. La Faculté de Design Industriel de Cracovie nous préparait à résoudre des problèmes génériques en s’appuyant sur des méthodes rationnelles, et ce, quel que soit le champ d’intervention. J’ai donc travaillé de manière simultanée sur de la mise en page, des identités visuelles et un peu moins fréquemment sur la conception globale de livres. J’avais une relation particulière avec l’affiche car le processus de conception et de production rapide correspondait à mon tempérament, je n’avais pas à attendre longtemps pour voir le rendu final. À l’époque de nombreux concepteurs d’affiches talentueux étaient actifs et j’aimais la compétition.
Considérez-vous que l’affiche a toujours une place importante dans la société polonaise aujourd’hui, une spécificité par rapport à d’autres pays européens ?
L’affiche a toujours eu un statut particulier en Pologne depuis ces débuts pendant la période Art Nouveau dans les années 1920 ainsi qu’à son apogée entre les années 1950 et 1970, période connue sous le nom ‹ d’école polonaise ›. De très nombreux artistes renommés ont préféré ce medium comme Stanisław Wyspiański qui a travaillé au tournant des 19ᵉ et 20ᵉ siècles, la période d’excellence d’Henryk Berlewi dans les années 1920 ou le travail Tadeusz Trepkowski dans les années qui précèdent la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux grands acteurs de l’école polonaise comme par exemple Henryk Tomaszewski, Jan Lenica ou Jan Młodożeniec. La présence de l’affiche demeure toujours forte malgré la compétition aujourd’hui avec les médias digitaux. De nouveaux concepteurs d’affiches polonais sont constamment en train d’émerger ce qui rend ce domaine particulier du design graphique encore très vivant.
Vous semblez de votre côté revendiquer un modernisme intemporel, quel sont vos influences dans ce domaine, des grandes figures internationales du 20e siècle (El Lissitsky, Piet Zwart, Max Bill, Joseph Muller-Brockmann, Jost Hochuli, Anton Stankowski, Massimo Vignelli, AG Fronzoni) ou certains concepteurs (méconnus) au sein de la scène polonaise défendant historiquement cette posture ?
Je ne me définirais pas moi-même en tant que moderniste. Je me considère plutôt comme un fonctionnaliste, comme quelqu’un travaillant sur la fonction. À mon sens le message est plus important que le style visuel. J’apprécie particulièrement le travail des designers cités dans la question, liste d’icônes à laquelle je souhaiterai ajouter Herbert Matter. Ce dernier n’était pas particulièrement connu au sein des écoles d’art et de design polonaises quand j’ai débuté ma carrière. Mais il a toujours constitué le designer dont j’apprécie le plus le travail, ces travaux ont été et sont encore une grande source d’inspiration. Je suis particulièrement intéressé par son utilisation très innovante de la photographie dans ses affiches — réminiscence du constructivisme russe. Des artistes et concepteurs graphiques polonais qui m’ont influencé il faut également mentionner Władysław Strzeminski, Henryk Berlewi et Roman Cieslewicz. Strzeminski et Berlewi sont les grands représentants du constructivisme polonais, deux artistes ayant développé des expérimentations dans le domaine de la typographie et de la mise en page et produit des affiches et couvertures de livres qui demeurent des modèles pour la scène polonaise encore aujourd’hui. De ma génération, il y a d’autres concepteurs qui travaillent également dans une voie similaire, comme Lex Drewinski, Slawomir Iwanski ou les travaux tardifs de Tadeusz Piechura, pour en citer quelques-uns. Il y a aussi quelques jeunes designers émergeants qui essayent de garder cette philosophie de projet vivante.
Que ce soit dans l’affiche, la conception des pages internes d’un livre ou dans le cadre d’une identité visuelle, l’idée de quelque chose d’inévitable, d’évident, de «l’essence de la chose» semble constamment présente. Est-ce une volonté consciente lors de la définition du problème de communication ou la conséquence d’un désir de réduction formelle qui mène à ce type de solutions visuelles ?
L’aspect inévitable, d’évidence, de tenter d’atteindre l’essence du problème est la conséquence d’un travail intense, d’un effort intellectuel considérable. Le minimalisme n’est pas mon but en tant que tel. C’est un moyen permettant d’arriver à la conclusion visuelle, à la résolution d’un problème de communication. […] »