Tango – Zbigniew Rybczynski (1981)

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Réalisation : Zbigniew Rybczyński. Musique : Janusz Hajdun. Production : SMFF Se-Ma-For. Durée: 8’.
En couverture : dessin de Zbigniew Rybczynski pour Tango

Un lieu clos, une pièce vide, un ballon, un enfant… Peu à peu, à l’intérieur de ce décor s’accumulent les gestes et les actions… De la naissance à la mort, en accéléré, une vie, sur la musique répétitive du tango.

« Le démoniaque Tango est un joyau du patrimoine mondial du court métrage, signé de celui que les spécialistes, dans les années 1970-80, appelaient affectueusement “Zbig”. Pour l’un des derniers films qu’il réalisait en Pologne avant de passer à l’Ouest, alors que la guerre froide assombrissait encore la planète, le magicien de Lodz obtint l’Oscar et la consécration dans les plus grands festivals internationaux.

Dans le décor d’une chambre désertée, sur les accords d’un tango obsédant, il fait successivement intervenir un, deux, trois, personnages et ainsi de suite jusqu’à la trentaine au moins, qui se croisent sans interférer, en accomplissant leur tâche de façon répétitive, en parfaite indifférence. On peut penser aux locataires successifs des lieux, mais l’exercice traduit aussi, au-delà de son brio formel, un sens politique autour de l’équilibre entre l’individu et le collectif… Comme un rêve philosophique étrange et pénétrant, qui n’a pas pris la moindre ride […] »

– cit. lextracourt.com

 

Extraits d’un entretien entre Marcel Jean et Zbigniew Rybczynski
Paru dans le numéro 127 de la revue 24 images (2006)

« Je vous ai déjà entendu dire que Norman McLaren avait été l’une de vos grandes sources d’inspiration. J’aimerais que vous en parliez plus longuement.
J’ai vu des films de McLaren pour la première fois au cours des années 1960. J’ai été littéralement stupéfait par la vision à la fois abstraite et tangible qui s’y déployait, vision radicalement différente de tout ce que je pouvais trouver dans le cinéma de l’époque. Ce qui m’a d’abord intéressé dans cette œuvre, c’est sa qualité expérimentale, le travail tant visuel que sonore accompli par McLaren. Vous savez, il est très rare que quelqu’un ait à la fois un niveau d’invention et de sensibilité visuelle élevé et un intérêt semblable pour le son. McLaren m’a étonné par le caractère complet de sa démarche. Il est parvenu comme aucun autre à faire du cinéma un art formel original.

Quels films de McLaren vous ont d’abord fait une forte impression ?
Pas de deux, qui est le plus beau de tous les films. J’ai aussi beaucoup d’affection pour Canon, dont le projet formel m’interpelle directement, avec sa structure musicale. Bien sûr, je suis d’abord intéressé par les films dans lesquels il combine les techniques de l’image par image avec la présence d’humains. Ce sont ces films qui m’ont évidemment le plus inspiré : le travail sur le mouvement que McLaren y effectue, le rapport à l’espace qui s’y développe, tout cela est rempli d’enseignement.

Êtes-vous intéressé aux interprétations politiques de votre œuvre ?
Par exemple, à propos de Tango, j’ai lu plusieurs analyses qui y voyaient une métaphore de la société polonaise sous le régime communiste.

Tout est politique. On n’y échappe pas. Je peux toutefois vous assurer que lorsque j’ai fait Tango, cela n’a jamais été une de mes préoccupations. Je continue de voir ce film comme une distorsion temporelle, uniquement. Je n’ai rien contre les interprétations des critiques – une œuvre d’art, une fois terminée, échappe à son créateur – mais ce sont les leurs, pas les miennes. […]