Photographies de l’article : © Toan Vu-Huu.
En couverture : La famille typographique Dina Chaumont spécialement dessinée pour la ville de Chaumont.
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Depuis 2020, le studio Baldinger • Vu-Huu collabore avec la municipalité de Chaumont, pour créer une nouvelle identité visuelle pour la ville et ses habitants. Dévoilée en mai 2023 lors du week-end inaugural de la Biennale de design graphique, nous sommes allés à la rencontre de Toan Vu-Huu et André Baldinger afin de découvrir les coulisse de ce superbe projet.
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La communication graphique de nos villes est bien souvent cantonnée à la simple création d’un logotype, éventuellement d’une typographie, et de son application par le biais d’une charte souvent assez rigide. Votre proposition pour la ville de Chaumont interpelle de part la liberté qu’elle propose : une famille typographique pensée pour vivre entre les mains de tout un chacun. Au delà du simple cadre de communication de la ville, vous invitez les habitants à s’emparer de cette identité en la téléchargeant gratuitement afin de la retrouver sur différents supports (enseignes, plaques d’adresses, affiches…).
Comment avez-vous été amené à travailler sur un tel projet ? Quels en ont été les temps forts ?
La direction des politiques culturelles de la ville de Chaumont nous a contacté en 2020, ainsi que deux autres grands ateliers internationaux. La demande consistait en la conception d’une nouvelle signalétique pour la ville, avec l’objectif de renforcer son image de ville du graphisme. La Maire et les élus avaient décidé d’assumer et de souligner cet atout qui la distingue d’autres villes moyennes en France. Avec l’implantation du Signe, centre national du graphisme, et la biennale internationale de design graphique, la ville est devenue « ville du graphisme » à part entière. Une particularité qui la caractérise pas seulement en France, mais aussi dans le monde entier. Passer de la ville du festival de l’affiche à la ville du graphisme n’est pas un acte anodin : d’un événement ponctuel et éphémère, on passe au graphisme, discipline à caractère plus pérenne, notamment et surtout dans un projet d’une signalétique urbaine.
Contrairement à d’autres villes « spécialisées » dans un domaine culturel, la ville du graphisme se doit d’être exemplaire partout : le graphisme fait partie de notre environnement visuel quotidien, notamment dans l’espace public. C’est une des raisons qui nous a mené à penser que le projet signalétique ne pouvait être isolé de la question de l’identité visuelle de la ville, de l’image véhiculée sur les médias digitaux ou des projets d’intervention dans l’espace public tel le parcours graphisme. Nous avons proposé dans un premier temps une analyse large, une vue globale qui dépasse la seule question signalétique pour mettre en regard l’ensemble des éléments qui nous semblent être en lien avec un projet de graphisme dans l’espace urbain. Chaumont pourrait ainsi devenir la première « ville graphique » où l’ensemble de sa communication se voit traitée dans un langage conçu spécifiquement et adapté aux différents besoins dans l’ensemble de son espace public, et pour ses différents publics.
Après plusieurs échanges, nous avons donc conseillé à la ville de ne pas se précipiter à commander une intervention spécifique, mais de prendre du recul, d’analyser le contexte et les besoins afin de définir ensemble un cahier des charges qui ensuite nous permettrait d’imaginer une vision commune pour la future ville du graphisme. Cette approche nous a distingué des autres studios et a convaincu la ville d’entamer cette aventure avec nous.
Nous avons analysé de près la demande qui nous a été soumise, et avons beaucoup échangé avec les différents acteurs du projet, la Maire, les services municipaux, les commerçants, les habitants, et avons arpenté le territoire à plusieurs reprises, seuls ou en leur compagnie. Nous avons dans un premier temps réalisé un dossier d’analyse / diagnostic, qui a ensuite évolué vers un cahier des charges pour la mise en œuvre d’un projet global, avec la prise en compte de l’ensemble des éléments avec lesquels la ville se présente, vers l’intérieur comme vers l’extérieur.
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Votre identité graphique est basée sur un système de proportion qui fonctionne tant à petite qu’à grande échelle pour une réelle occupation du format. Cela n’est pas sans nous rappeler les collages contre les féminicides qui ponctuent les murs de nos villes et qui permettent un impact fort avec une économie de moyens. Pouvez-vous nous présenter ce système ? Quelles ont été les influences qui vous ont poussé à travailler ce principe combinatoire ?
Pour ce programme d’identité visuelle, nous avons cherché un élément qui permettrait aux néophytes de trouver un point d’entrée dans le monde du design graphique. La surface blanche, qui est pour tous les créatifs le point de départ d’un travail, nous a semblé une composante clé dans la création graphique et surtout pour la conception d’affiches. Tout format est défini par une proportion entre une largeur et une hauteur. Le format qui marque notre époque et qui est présent dans le monde entier (à part en Amérique du Nord), est celui avec la proportion DIN A. Ce standard a été inventé par le « Deutsches Institut für Normung » (Institut allemand pour la normalisation) en 1920. Il a une proportion unique qui permet, par la division du bord large d’une feuille, de retrouver deux formats plus petits aux mêmes proportions sans perte de papier. Économique, écologique et démocratique, le DIN A s’est imposé depuis dans la majorité des industries du papier et de l’impression. Les formats DIN A4 et DIN A3 se trouvent partout et sont connus par tout le monde.
Cette proportion spécifique nous a semblé intéressante à prendre en compte pour la création d’une typographie. Nous nous sommes imposé trois contraintes:
1. Utiliser la proportion DIN A pour chaque lettre
2. Investir la surface au maximum, comme nous avons l’habitude de le faire dans la création d’affiches typographiques
3. Donner à chaque lettre une qualité d’affiche
Ces contraintes ont donné des résultats très radicaux. Les ascendantes et descendantes sont alignées sur la hauteur d’x : la lettre « g » a ainsi la même hauteur que le « h » ou le « a ». Certaines lettres sont très étirées, comme la lettre « i », pour occuper de manière maximale la surface. D’autres ont des formes très compressées, comme la lettre « m ».
Pour compléter le système, nous avons décliné les lettres sur le format horizontal (paysage). La typographie est donc monochasse, avec la possibilité que les lettres prennent aussi la largeur d’une double chasse. Cette régularité rappelle certains jeux de construction de notre enfance, les Lego ou les briques en bois, des modules qui permettent de multiples combinaisons pour réaliser plein de choses de notre imaginaire. Notre typographie rappelle ces modules et invite à jouer, à combiner et à composer avec un minimum de savoir-faire. Le format DIN A et le jeu sont des éléments familiers qui parlent à un large public non professionnel, ce qui était important pour nous de transmettre.
Les collages contre les féminicides ont croisé notre projet, mais n’ont pas été un point de départ. Notre motivation était l’inclusion du monde non professionnel et un élément permettant une entrée à la compréhension du travail de graphiste. C’est avec les premières compositions de la typographie sur format A4 ici à l’atelier que nous avons fait le rapprochement visuel avec les collages. Cela nous a confortés dans l’idée de rester sur cette piste, les collages avaient déjà fait preuve d’une efficacité visuelle, d’une facilité de prise en main et d’une diversité dans leur application.
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Votre famille typographique comporte plus de 250 pictogrammes, comment sont-ils nés ? Y’a t’il eu notamment des échanges avec les habitants pour cerner les symboles de la ville ? Etes vous venus sur place faire une sorte de safari graphique pour les collecter ?
Pendant nos recherches nous avons recensé un bon nombre de dessins et pictogrammes illustrant certains aspects de la ville. Nous avons aussi écouté nos interlocuteurs, comment ils perçoivent leur ville. Il était important de ne pas parler uniquement de graphisme. Chaumont est « ville fleurie », a des monuments patrimoniaux comme le viaduc ou les Silos, un centre historique avec des tourelles, est une ville à la campagne, a un club de volleyball évoluant en première ligue et des associations sportives, une offre culturelle et touristique, un marché couvert… Ces qualités étaient illustrées de différentes manières, pictographiques et/ou photographiques. Nous avons trouvé intéressant d’harmoniser ces visuels, de les dessiner avec les mêmes contraintes que la typographie. Nous les avons ensuite intégrés dans la police de caractère modulaire. Douze catégories (Mascotte, Animaux, Nature, Aliments, Loisirs, Sport, Transport, Ville de Chaumont, Design graphique, Flèches, Symboles et Motifs) ont été définies. Les pictogrammes renforcent l’identité visuelle de la ville avec ses spécificités. Ils participent au côté ludique et joyeux et parlent au plus grand nombre. Les habitants s’en sont emparés tout de suite.
C’est une partie du programme qui n’est pas clos et nous avons proposé à la ville de compléter le set avec les besoins futurs. C’est un travail sans fin, mais très amusant.
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Comment concrètement cette identité s’implante dans la ville ? Votre système propose une invitation à s’en emparer, mais cette très grande liberté n’est-elle pas aussi un frein et peu effrayer ? Avez-vous envisagé un cahier des charges précis, un mode d’emploi, une sensibilisation de la population, des ateliers ?
D’habitude les identités visuelles des villes sont transmises uniquement aux services de communication municipaux. Les habitants sont rarement impliqués dans la mise en place de celles-ci. Dès le début du travail, il nous a semblé important de les inclure et de les rapprocher du monde professionnel (et inversement). Les échanges en amont avec les Chaumontais ont fait émerger une scission avec les professionnels qui viennent en bon nombre pour les grands événements liés au graphisme. La Maire a insisté très tôt sur le fait de les faire participer et d’informer sur la démarche. Soulignons ici également le grand travail du Signe en direction des publics non-initiés.
L’objectif premier était de renforcer le statut de ville en tant que ville du graphisme, et en impliquant aussi ses citoyens. La ville ne possède pas de grands budgets pour la mise en œuvre de l’identité ou pour promouvoir sa visibilité vers l’extérieur. Notre vision est que le projet vive aussi par l’appropriation de la typographie par les habitants, par la ville et par le monde du design graphique plus largement. Par la multiplication des utilisations – d’ailleurs la police s’appelle Dina Chaumont –, elle deviendra ambassadrice de la ville du graphisme.
Pour les journées du patrimoine en septembre dernier, nous avons organisé un atelier de prise en main et de rencontre. Samedi matin, un stand a été installé devant le marché couvert, moment où une grande partie des Chaumontais et des habitants des alentours de tous les âges font leurs courses du week-end. Une grande fresque installée sur toute la longueur du bâtiment a été habillée avec Dina Chaumont qui se présente à la ville. Elle parle de ses qualités et invite à être téléchargée pour être utilisée. La fresque incluait également le nouveau logo de la ville, qui a été dévoilé officiellement par la Maire en notre présence. Nous avons ensuite réalisé des t-shirts et sacs personnalisés avec les habitants. L’intérêt du public était grand, une longue queue s’était formée devant le stand. C’était l’occasion pour échanger, pour expliquer notre démarche et comment prendre en main la typographie. Certains nous ont dit qu’ils aimaient beaucoup le côté ludique de la typographie et ses pictogrammes, d’autres qu’ils adhèrent à la nouvelle identité visuelle, et un habitant qu’il appréciait les explications que nous avions mises en place, qui lui ont permis de comprendre le concept.
C’était un moment très touchant pour nous, le retour sur la proposition était enthousiaste et positif. Un deuxième atelier s’est tenu en octobre spécialement pour les commerçants et les associations qui ont d’autres besoins pour d’autres utilisations. Nous espérons que, au-delà la prise en mains par les Chaumontais, cette typographie pourra être un pont permettant un rapprochement entre le monde professionnel et non-professionnel. Avec de premières connaissances du monde du graphisme, d’autres sujets pourront être l’objet d’échanges et de discussions.
Nous avons tous les deux une passion pour l’enseignement et la transmission des savoirs, et nous aimons, lors des présentations de notre travail, rendre compréhensible nos systèmes graphiques par un langage simple, accessible et pédagogique. Pour les présentations finales du projet (qui ont eu lieu en trois temps : à la Maire et aux élus, aux services municipaux et aux habitants et professionnels), nous avons travaillé sur une nouvelle manière de présentation. Un exposé sous forme de performance nous a semblé plus vivant et parlant. Nous étions sur scène avec notre collaborateur Jimmy Le Guennec, qui a beaucoup contribué au dessin de la typographie et de ses pictogrammes. Nous étions habillés en combinaisons de travail rouge, verte et bleue. Pendant que Toan défilait la présentation sur écran avec des explications, André et Jimmy ont manipulé et plié des feuilles de papier, accroché des affiches de références, composé/recomposé des mots avec des lettres et des pictogrammes imprimés sur format A4/A3 et démontré ainsi le système modulaire.
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Votre approche semble redéfinir ou en tout cas questionner le rôle du designer graphique pour nos villes / nos lieux communs. On sent une véritable portée politique avec ce projet, est-ce une volonté de votre part ? Quel est selon vous la vocation, la place que doit occuper un designer graphique aujourd’hui et demain ?
Nous avons eu la chance de travailler en étroite collaboration avec la ville et d’avoir eu un échange privilégié avec la Maire, qui était très à l’écoute tout au long du projet. Il y a eu des réunions et présentations très informelles pendant des déjeuners dans divers lieux. Madame Guillemy n’hésitait pas à nous présenter aux personnes que nous croisions et leur demander leur avis et leurs besoins. Nous avons eu beaucoup de discussions spontanées, ce qui nous a permis une autre lecture du rapport entre élus et administrés. Il devenait de plus en plus clair que le projet devait inclure une dimension participative et démocratique, que les gens puissent s’y attacher et s’y identifier. Le projet serait ainsi porté par l’ensemble de la communauté et deviendrait un « Selbstläufer » (un projet qui « court tout seul »).
Nous avons voulu rompre avec les codes habituels et la communication super-floue que des agences de communication vendent aux villes, où l’identité visuelle devient une marque rigide contrôlée par le plus petit nombre. Nous avons proposé une démocratisation, et non une exclusivité protectrice. Cela implique aussi de laisser vivre le système entre les mains de tous, avec des résultats inattendus, parfois décevants mais toujours surprenants et souvent inspirants ! Nous avons beaucoup de plaisir à suivre les voyages de Dina Chaumont.
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Avec votre studio, la complémentarité typographique / graphisme occupe une place importante.
J’ai l’impression que vous privilégiez dans vos projets le recours aux nombreuses typographies que vous avez dessinées.
Pouvez vous nous parler de cette volonté d’autonomie et ce souci de développer vos propres outils ?
Quand André et moi nous avons débuté notre collaboration, il était assez naturel d’avoir recours aux typographies existantes d’André, puisqu’il y a une familiarité entre nous et ses créations. Souvent nous avons trouvé dans ce catalogue une typographie qui correspondait à nos besoins. Dans d’autres cas, nous avons fait des adaptations, comme pour la BLine que nous avions adapté pour un meilleur confort de lecture et une application plus économe en terme de place pour la signalétique du quartier des Halles à Paris.
Nous avons une approche très conceptuelle dans le développement de nos projets. Tous les éléments qui sont utilisés pour leur construction sont questionnés. Idéalement, la typographie incarne dans son ADN le concept d’une identité visuelle. Au début, nous n’avions pas les ressources humaines nécessaires pour créer constamment des typographies pour nos sujets. Depuis que Jimmy Le Guennec et Fanny Hamelin ont intégré l’équipe, nous avons les collaborateurs parfaits pour développer la boîte à outil typographique, comme nous l’avons fait pour Dina Chaumont. C’est un luxe de pouvoir modifier ou créer des typographies spécifiques pour aller au bout de ses créations. On pourrait faire la comparaison avec les peintres qui créent leurs propres cadres ou leurs propres pinceaux et couleurs, leurs matières premières.
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Cela fait maintenant de nombreuses années que vous travaillez ensemble, et votre équipe s’est agrandie au fil du temps, est ce que cela a changé votre approche des projets, votre façon de travailler ?
Travailler à deux implique de s’occuper de tout de A à Z, pas uniquement de la création et de ses applications, mais aussi de l’administration, des concours, des devis et des factures… Notre première et très fidèle collaboratrice Agathe Demay sait nous soutenir en matière de graphisme, mais elle s’occupe aussi de plus en plus de toute la partie administrative et logistique. Au fil des années l’équipe est devenue plus spécialisée, avec l’arrivée de Jimmy et Fanny pour la typographie, et Chantal Grossen, qui a une grande expertise en matière d’identité visuelle et de signalétique. Elle a longtemps travaillé chez Intégral Ruedi Baur, c’est d’ailleurs là que nous nous sommes rencontrés et sommes devenus amis. Nous avons une approche et un savoir-faire communs appris durant nos années chez Ruedi.
Avec l’équipe actuelle, nous avons ainsi étendu nos capacités de travail, ce qui nous permet de nous concentrer sur la conception et les moments clés de la création graphique. Pour ma part je retrouve le temps pour l’expérimentation, pour des projets personnels, la photographie, la recherche et mon intérêt pour les nouvelles technologies. André consacre du temps à l’enseignement, à la recherche et des projets personnels consacrés à la typographie.
Ce sont des espaces précieux, permettant de s’investir dans des projets avec une grande liberté, sans le souci d’une application précise ou du cadre d’une commande. Par la suite, ce travail est souvent bénéfique pour les projets graphiques et typographiques de l’atelier.
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Merci d’avoir pris le temps de nous répondre, je vous laisse carte blanche si vous voulez ajouter un petit mot pour conclure.
Nous voudrions te remercier infiniment de nous avoir donné cet espace pour présenter un travail qui nous tient particulièrement à cœur. Nous sommes très heureux d’avoir eu la chance de réaliser un tel projet, accompagnés de personnes ouvertes, à l’écoute et courageuses du côté de la ville : Christine Guillemy (Maire de Chaumont), Paul Fournié (Premier adjoint) et Nathalie Ferreira (Directrice des politiques culturelles). Nous remercions énormément Jean-Michel Géridan (Directeur du Signe) et Mariina Bakic (Responsable du développement du Signe) pour leur confiance en notre travail.
Rares sont les occasions où l’on peut travailler sur un projet global qui inclut l’ensemble de nos savoir-faire, en plus pour un sujet qui nous préoccupe beaucoup: le graphisme. C’est un projet pour la ville, mais aussi pour nous personnellement et pour la profession plus largement. Nous espérons qu’il voyagera encore loin et longtemps à travers le monde.
Plus de ressources sur le projet :
→ Télécharger gratuitement la famille typographique Dina Chaumont.
→ Une captation vidéo de la présentation du projet par l’atelier baldinger•vu-huu lors du week-end inaugural de la biennale de design graphique à Chaumont.
→ Un mini site pour jouer avec la typographie Dina Chaumont
→ Le guide illustré présentant l’identité visuelle
Dina Chaumont presents herself from baldinger•vu-huu on Vimeo.