« Le générique de film est l’art subtil de mélanger image, typographie et musique. C’est une partie méconnue de l’histoire du cinéma, du graphisme et de notre mémoire collective (…)
Né avec la naissance du cinéma, dans un premier temps le générique de film se contente de présenter les personnes qui ont participé à l’œuvre cinématographique. Progressivement, certains réalisateurs en font plus qu’une simple succession de noms et l’utilisent pour mieux immerger le spectateur dans l’œuvre. Ils confient cette tâche à des directeurs artistiques. Ainsi Saul Bass invente le générique moderne en travaillant avec Otto Preminger sur L’Homme au bras d’or en 1955. A partir de cet instant, le générique passe du statut d’obligation légale à un des premiers champs d’expérimentation de l’image en mouvement.¹ »
« Mon idée de départ était qu’un générique pouvait mettre dans l’ambiance et souligner la trame narrative du film pour évoquer l’histoire de manière métaphorique. Je voyais le générique comme une façon de conditionner le public de façon à ce que, lorsque le film commence, il ait déjà un écho émotionnel chez les spectateurs. J’étais convaincu que le film commence vraiment dès la première image.² »
« C’est la synthèse diabolique du trait noir et du monochrome, servie par un sens implacable de la composition et de la typographie qui fait la justesse des génériques de Saul Bass : un minimum de moyens pour un maximum d’effets. La bande-annonce d’un film signé par le maître, devient une carte de visite éternelle et s’inscrit dans l’inconscient collectif. Saul Bass expérimente, profite des nouvelles possibilités techniques (le cinémascope, techniscope,…), à commencer par l’apparition de la couleur, désormais commune. Il renoue avec une approche populaire de l’image, détournant les caractères typographiques communs. Les cultures et les influences s’entrechoquent, à l’image de ses horizontales et verticales qui se retrouveront souvent dans ses génériques par la suite, refusant le superflu pour se concentrer sur la thématique du film. L’atmosphère est marquée par les évolutions brutales ou au contraire plus progressive des couleurs, des signes, des plans.³ »
« Saul Bass naît dans le Bronx, à New York, en 1920. Il montre très tôt des prédispositions pour le dessin et à 15 ans prend des cours de peinture avant d’atteindre l’âge requis pour poursuivre ses études au ‹ Brooklyn College ›. C’est à cette époque que sous l’impulsion de son professeur György Kepes, il découvre le Bauhaus et le constructivisme russe et s’initie à l’esthétique moderniste.
Après plusieurs stages dans des studios de design de Manhattan, Bass commence comme graphiste publicitaire freelance. Il déménage pour Los Angeles en 1946, à la recherche de plus de liberté dans son travail et ouvre son propre studio, ‹ Saul Bass & associates ›, en 1950. Il participe par la suite à la réalisation d’affiches de films et rencontre Otto Preminger et réalise le générique de L’Homme au bras d’or (The Man with the Golden Arm), qui le fera reconnaître comme le maître du genre. La force d’évocation du visuel conçu par Saul Bass (un bras stylisé représentant les talents de musicien et de joueur de poker du personnage principal, ainsi que son addiction à l’héroïne) est telle que lors de la première du film à New York, seul le logo est affiché, le titre est superflu. Il réalise de nombreux autres génériques dont ceux d’Autopsie d’un meurtre ou West Side Story. Il entame alors deux autres collaborations notables, l’une avec Alfred Hitchcock, l’autre avec Stanley Kubrick. C’est avec ces réalisateurs qu’au-delà de son travail sur les génériques, Saul Bass participe également à la conception de certaines séquences, notamment la scène de la douche dans le film Psychose (Psycho) ou les combats de Spartacus.⁴ »
« La communication visuelle est inconcevable sans la connaissance de la transmission graphique et l’analyse des structures fondamentales.⁵ »
« Dès 1964, il réalise des courts-métrages (les premiers d’entre eux sont The Searching Eye et From Here to There), dont plusieurs seront récompensés dans des festivals (Why Man Cre tes remporte un Oscar en 1969). L’échec de son seul long métrage, Phase IV, l’amène à se concentrer sur la conception graphique. Il produira dans ce cadre de nombreux logos parmi lesquels ceux de United Airlines, AT & T, Minolta, Bell Telephone System et Warner Communications. Il a également conçu l’affiche pour les Jeux Olympiques de Los Angeles de 1984.⁶ »
« Avant de le rencontrer, avant que nous travaillions ensemble, il était une légende à mes yeux. Ces créations, pour les génériques de film et les logos et les albums et les affiches ont définis une époque. Ils ont distillés la poésie du moderne, du monde industrialisé.⁷ »
¹ cit. lesartsdecoratifs.fr
² Entretien avec Pamela Haskin pour Four Quaterly, 1996, cit. ligature.ch
³ cit. studio002.com
⁴ cit. dabasse.net
⁵ cit.getfrank.fr
⁶ cit. wikipedia.org
⁷ Martin Scorsese, Saul Bass : A Life in film & Design, cit. ligature.ch
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Plus de ressources sur Saul Bass :
→ saulbassposterarchive.com
→ Aperçu de tout ses génériques sur artofthetitle.com
→ Une rapide analyse de ceux-ci sur gestaltung.hs
→ Différents articles sur designmuseum.org, aiga.org, cinematheque.fr,
brainpickings.org, revues.mshparisnord.org, site.alexandretylski,
designobserver.com, classes.design.ucla.edu
→ Poetry in motion, Steven Heller
→ Idea Magazine, tribute to Saul Bass, 1979
→ Typographie & cinema, Lionel Dutrieux
→ Saul Bass, movement, film, communication