Couverture du portrait : © MemphisFilmTV
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Une lettre “P” comme “pionnier” suivie d’un carré noir pour signature (zwart signifiant noir en néerlandais), le graphiste Piet Zwart (1885-1977) également photographe, architecte d’intérieur ou encore créateur de mobilier fait partie avec son homologue Paul Schuitema de ses personnes qui ont profondément marqué et transformé le design graphique néerlandais. Illustrant sans doute par son œuvre l’aspect le plus original du graphisme néerlandais de l’entre deux guerres.
En grande partie autodidacte, Zwart bénéficiera néanmoins durant ses études au sein de l’École des arts appliqués d’Amsterdam d’un enseignement pluridisciplinaire et transversale (dessin, peinture, architecture, arts appliqués) et particulièrement inspiré du mouvement Arts & Crafts, alors très populaire au début des années 1900 aux Pays-Bas. Pendant la première guerre mondiale il focalise son attention sur la conception de mobilier d’intérieur et de tissu. La révolution sociale d’après guerre ainsi que les nouvelles idées artistiques de l’avant-garde lui offrant de nouvelles possibilités, il décide alors de laisser derrière lui cette carrière pour se tourner vers le graphisme. Il est alors âgé de 34 ans.
Avant de travailler pour l’architecte et théoricien Hendrik Petrus Berlage, Pete Zwart débute sa carrière de graphiste en assistant l’architecte Jan Wils, membre fondateur du Stijl, pour qui il créa, un papier à lettre, veritable extension typographique du logo personnel de l’architecte et faisant clairement echo au titrage de la revue de stijl, ce qui n’est pas étonnant car à cette époque, il fait la rencontre de Vilmos Huszàr, cofondateur de cette même revue et qui en réalisera les premières couvertures. Son travail est alors fortement influencé par les idées radicales de Theo van Doesburg et De Stijl, qu’il rejettera rapidement considérant les règles de De Stijl comme trop dogmatique, il sera également attiré par le dadaïsme et l’avant-garde internationale, en particulier le constructivisme russe.
Sa rencontre en 1923 avec Kurt Schwitters et El Lissitzky lui fera prendre pleinement conscience des possibilités graphiques qu’offre la typographie. Zwart ne possédait aucune formation formelle de la typographie ou de l’impression, de sorte qu’il a développé une pratique désinhibée, loin des règles et des pratiques traditionnelles. Avec l’aide d’un imprimeur et dans un esprit dadaïsant, il se servit de caractères, de vignettes et de filets pour créer des compositions libres. Il présente alors sa pratique sous le terme de typotekt, contraction des mots typographe et architecte. Cette même année Berlage le présente à l’un de ses parents, le directeur de la NKF de Delft (Fabrique néerlandaise de câble) pour laquelle il réalisera plus de trois cents publicités durant les dix années qui suivirent veritable source d’experimentation pour lui.
Pendant une seconde visite en 1926 Lissitzky enseigne à Zwart la technique du photogramme qui deviendra une source nouvelles d’images pour son travail. Son utilisation atteignant son apogée dans la conception des quatre-vingts pages et couleur pour le catalogue NKF de 1927-1928. Sa rencontre avec Paul Schuitema quelques années plus tôt l’avait déjà sensibilisé à ce nouveau procédé qui selon lui permet de transmettre un message avec plus de clarté et de rapidité. Un moyen de fusionner le texte et l’image de façon organique.
Puisqu’il était membre avec Paul Schuitema du Ring neue Werbegestalter (Cercle des nouveaux concepteurs publicitaires) fondé à Hanovre en 1927 par Jan Tschichold et Kurt Schwitters, leurs œuvres furent rendues publique et exposées en 1929, avec celles de Gerard Kiljan, dans le cadre de Film und Foto à Stuggart. L’année suivante, il commence à travailler pour la société Bruynzeel, fournisseur en matériaux de construction, pour laquelle il réalise des articles préfabriqués et des centaines de brochures, catalogues, calendriers annuels. Il concevra également pour eux une cuisine destiné à être produite en série, elle se composait d’éléments standardisés qui pouvaient être montés de différentes manières afin que les clients puissent les combiner comme ils le souhaitaient. La cuisine sera produite dès 1938, après trois années de recherche.
En 1930 Piet Zwart est approché pour réaliser la conception du Livre des PTT dont le but était d’enseigner aux élèves comment utiliser de façon efficace les services postaux néerlandais. Au travers de cet ouvrage il voulait piquer leur curiosité et encourager l’autonomie à travers un livre plein de couleurs vives, chaque page riche et foisonnante de détail. Il concevra deux mascottes en papiers pour le livre qui sera finalement publié en 1938. Il réalisera également pour eux de nombreux timbres poste avec Gerard Kiljan et Paul Schuitema.
Piet Zwart n’était pas un homme facile, connu pour être un veritable bourreau de travail très exigeant envers lui-même. Sa carrière est stoppé en juillet 1942, quand il est arrêté par les soldats allemands avec 800 autres personnes. Après la guerre, profondément meurtrit, il consacrera le reste de sa carrière au design industriel.
Sa polyvalence et son influence sur le design actuel conduira en 2000 l’Association des designers néerlandais de lui attribuer le titre de Designer of the Century.
Plus de ressources sur Piet Zwart :
→ pzwart.nl
→ Des réalisations sur moma.org, designobserver.com, letterformarchive.org, flickr.com, geheugenvannederland.nl et modernism101.com
→ Plusieurs articles sur iconofgraphics.com et az-project.org
→ Consulter Piet Zwart : a choice from his personal archive (5)
→ Visionner le trailer du documentaire Everything Must Change – Piet Zwart
→ Consulter l’article Renewal and Upheaval : Dutch Design Between the wars par Alston Purvis
→ Un catalogue réalisé pour la société Bruynzeel
→ Un aperçu de l’emblématique catalogue de 1925 conçu pour la NKF