« Marcel Jacno, dit Jacno, est un graphiste français, célèbre notamment pour avoir dessiné le casque gaulois qui illustre les paquets de cigarettes Gauloises, ainsi que le logo du TNP (1951). Autodidacte des arts graphiques. Ses premiers travaux, en 1929, sont des affiches pour Gaumont et Paramount. En 1936, il dessine pour la Seita le célèbre paquet de Gauloises, il en signe une seconde version en 1947 qui sera un des logos les plus populaires pour les Français et est une sorte de record mondial dans la diffusion d’une création signée… »
→ cit. wikipedia.org
« Ainsi ma signature se trouva reproduite à une multitude d’exemplaires puisqu’elle figurait sur l’emballage le plus répandu de notre pays. […] J’étais le recordman des multiples, étant donné que ce paquet si banal était imprimé à un nombres d’exemplaires qui bat tout les records de signatures : un milliard et demi d’exemplaires chaque mois. »
→ Marcel Jacno, cit. Graphismes et créations, années 30,40,50
« Engagé vers 1926-1927 dans une imprimerie spécialisée dans la fabrication de plaques de rues et de panneaux de circulation, il travailla sous la direction d’un peintre en lettres qui […] lui ‹ expliqua les subtilités formelles de l’alphabet ›. Cette première expérience devait orienter ses choix de façon décisive, après quelques incursions peu convaincantes dans le domaine de l’affiche. Il réalisa, en effet, pour Gaumont, quelques affiches et des annonces marquées par l’influence expressionniste (Lulu, de Pabst, avec Louise Brooks, La Valse des adieux avec Pierre Blanchard, des films de Charlie Chaplin…).
Mais ces commandes arrachées à la célèbre société de production furent pour lui décevantes car elles restèrent sans lendemain. Et lorsqu’il découvrit, dans le hall du célèbre cabaret Le Bœuf sur le toit, un panneau argenté sur lequel figurait l’alphabet Bifur, créé par Cassandre pour la fonderie Deberny-Peignot, il comprit que la lettre pouvait être un objet de création. Ses travaux épisodiques au service du cinématographe trouvèrent un aboutissement singulier, puisqu’ils lui donnèrent l’idée de créer un caractère original – le Film (1934), immédiatement accepté par Deberny-Peignot. »
→ cit. universalis.fr
« En 1934 Charles Peignot publie le film de Marcel Jacno qui raconte, à ce sujet, dans un petit livre de souvenirs : ‹ … Dans le hall du nouveau Bœuf (le cabaret ‹ Le Bœuf sur le toit ›, rue de Penthièvre), j’aperçus accroché au mur, un alphabet moderne imprimé sur métal, joliment encadré. C’était le caractère Bifur dessiné par l’affichiste Cassandre. La modernité de ce graphisme m’enchanta. Et m’inspira l’envie de dessiner moi aussi un caractère d’imprimerie… un alphabet aux formes modernistes, dans le goût de l’époque… Lorsque j’eus terminé les six douzaines de dessins de mon premier caractère, je prétendis le proposer à l’éditeur du Bifur… Charles Peignot accepta les dessins. › Marcel Jacno récidiva avec le Scribe, en 1936, et le Jacno en 1950 ainsi que le Chaillot, la même année, avec le système ‹ typophane › précurseur des lettres-transfert. »
→ Charles Peignot, cit. Les Peignot : Georges, Charles
« Le caractère Film que présentent, dans cette plaquette, les Fonderies Deberny et Peignot, pour 1934 est une nouveauté typographique. Il a la propriété de s’harmoniser aussi bien avec les séries classiques auxquelles il peut servir de lettrines qu’avec les séries modernes et surtout avec l’Europe. Il est d’un emploi facile, les divers éléments permettant toutes justifications de lignes avec fonds pointillés comprennent, dans chaque corps, des cadratins et des pièces de 1,2,3 ou 6 lignes verticales de points. le Film est vendu au prix de la 5ᵉ catégorie des caractères de fantaisie. »
→ cit. Présentation dans le numéro 18 de la revue Arts et Métiers graphiques, novembre 1933
« Marcel Jacno l’avait conçu (le Chaillot) spécialement pour le Théâtre national populaire: le caractère Chaillot porte le nom du palais parisien qui abrita l’institution à partir de 1937. Tout au long de sa collaboration avec Jean Vilar, fondateur du Festival d’Avignon et directeur du TNP de 1951 à 1972, Jacno a marqué d’une brutale simplicité l’identité de ces deux institutions de la culture populaire. Inspiré des inscriptions aux pochoirs sur les caisses de matériel, en souvenir du théâtre itinérant, le Chaillot prenait le parti de dépeindre une culture, décentralisée, débarrassée de la tutelle de la classe bourgeoise et s’appuyait sur le concept cher à Jacno: L’homogénéité des formes est beaucoup plus importante que la pureté du contour des lettres.
Comme dans tout graphisme efficace, défendait-il, il y a, dans les affiches d’une entreprise théâtrale, deux éléments qui, répétés en toute occasion, doivent être aisément perçus par les yeux et saisis par l’intelligence. D’abord la couleur, ensuite la typographie des titres principaux, qui, tout en demeurant très lisible, doit être violemment caractéristique, En bleu, blanc, rouge, les affiches du TNP et du Festival d’Avignon portaient, avec ce flambeau, la marque de fabrique d’une culture appartenant au peuple, dans « le style Révolution française. Le Didot, qui avait donné ses formes au Chaillot et l’accompagnait dans la communication du TNP comme caractère de texte, se faisait l’emblème des affiches de 1789. Une troisième donnée permettant d’expliquer le travail du graphiste-typographe réside dans la valeur informative qu’il attribuait à la mission de l’affiche théâtrale, par opposition à l’affiche publicitaire. Ce rôle défendait la primauté du texte dans le support et l’importance du choix et de la singularité des caractères. »
→ Caroline Bouige,cit. Révolutions d’un caractère in Etapes n°60
« Avec cet alphabet de forme inattendu, j’ai voulu que les titres prennent la vedette et fassent images dans les imprimés. »
→ Marcel Jacno, cit. Typographie et théâtre, 1977
« Le titre de la pièce placé sous le nom de l’auteur, inscrit en rouge sur la couverture blanche, reprend les caractères Didot retenus par Marcel Jacno pour le sigle TNP et ses affiches. L’homogénéité des formes, une pureté de ligne, rejoignent le principe cher à Jacno, selon lequel ‹ pour mieux parler la lettre doit respirer ›. La sobriété du programme favorise la lisibilité. Sa simplicité écarte tout effet d’imposition. L’intégralité du texte facilite le respect, tant de l’auteur que du public, les deux piliers du théâtre de Vilar. »
→ Roberta Shapiro cit. La question de la critique
«C’est avant-guerre que j’ai dessiné le caractère ‹ Scribe ›. Il y avait alors en France deux fondeurs qui comptaient : le plus important, et en même temps le plus hardi, c’était Charles Peignot. C’est lui qui a amené le public à s’intéresser à l’art typographique. Il a lancé la typographie comme on aurait lancé de la haute couture. A cette époque sentant le manque d’un caractère d’écriture pour composer des textes rédigés en style ‹ parlé ›, il m’a demandé d’en dessiner un. En effet pour typographier ce style ‹ parlé › on ne disposait alors en France que de caractère du genre de l’anglaise que l’on utilise pour faire imprimer les faire-part de mariage. Mais si l’on voulait composer une phrase disant très familièrement : ‹ pour vous faire inhumer profitez de nos prix de printemps › comme on pouvait lire à l’époque dans les annonces américaines de Pompes funèbres, un caractère calligraphique convenait assez mal. Il avait une allure trop apprêtée. Il existait bien en ce temps à l’étranger quelques caractères répondant à ces conditions, principalement le caractère allemand ‹ signal ›. Mais il était peu adapté au goût du lecteur français, à cause de ses formes anguleuses agressifs.
Je me suis appliqué à dessiner une écriture de forme spécifiquement latine. Mon programme consistait à obtenir un caractère typographique conservant toute la spontanéité du tracé de l’écriture courante. Pour être sûr de rester dans le vrai j’ai utilisé ma propre écriture. J’ai écrit des centaines de phrases. Parmi tous les mots écrits au courant de la plume j’ai relevé, pour chacune des lettres de l’alphabet, les formes qui se retrouvaient le plus fréquemment. J’en ai fait des agrandissements, une fois que je me suis trouvé devant 26 minuscules, les 26 majuscules, tous les chiffres et tous les signes de ponctuation, il manquait encore quelque chose pour constituer un alphabet typographique. Il m’a fallu normaliser ces éléments, leur surajouter certains points communs : une uniformité d’inclinaison. Et cela en prenant soin de ne pas faire disparaître toutes les irrégularités du tracés manuel de façon à conserver la spontanéité des formes. Restait une dernière mise au point : dans une typographie ordinaire les caractères sont séparés les uns des autres; dans une écriture courante qui prétend lui ressembler les lettres sont liées. Il fallait donc que le ‹ a › par exemple, puisse se lier directement à l’une quelconque des 25 autres lettres de l’alphabet, c’est à dire qu’il fallait prévoir 26 fois, 26 possibilités de contact entre les lettres; tout cela étant vrai aussi bien pour le côté gauche de chaque lettre, que pour son côté droit. Le résultat cela a été du texte imprimé semblant avoir été écrit à la main d’une seule veine, quelque chose comme un instantané d’une écriture moderne. »
→ Marcel Jacno cit. revue l’immédiate, n°6, hiver 1975-1976
Plus de ressources sur Marcel Jacno :
→ Différentes archives dans le corpus typographique français
→ Le Film, Marcel Jacno, Deberny et Peignot, 1934
→ Consulter l’article public stencil lettering in France
→ Consulter l’article A tradition with breaks
→ L’évolution de paquet de cigarette gauloise
→ Un article très complet sur le blog de grapheine