Man Ray – Rayogrammes

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Man Ray connu comme le grand “ imagier ” et portraitiste du groupe surréaliste, découvre par accident en 1922 le procédé du photogramme qu’il nomme rayographie ou rayogramme, allusion à son nom et à la technique de la radiographie aux rayons X, procédé scientifique qui fascine et inspire les avant-gardes surréalistes. Selon Man Ray le rayogramme est une “ Photographie obtenue par simple interposition de l’objet entre le papier sensible et la source lumineuse. Saisies aux moments d’un détachement visuel, pendant des périodes de contact émotionnel, ces images sont les oxydations de résidus, fixés par la lumière et la chimie, des organismes vivants. ” Ces impressions directes de formes d’objets constituent pour Man Ray un équivalent photo de l’écriture automatique chère à Breton et aux surréalistes.

« Le photogramme transfigure les objets du quotidien, en donne des formes spectrales. Il provoque chez le public en perte de repères un effet de mystère, le lecteur cherchant à identifier un référent. La composition de cette nature morte moderne joue sur l’équilibre des formes entre elles (droites/courbes, noirs/blancs, géométriques/non géométriques…) suggérant l’intemporalité, la légèreté, l’envol.  L’étrangeté des effets de matières (volumétrie un peu écrasée, saturation lumineuse dématérialisant les substances) suscite une sorte de rêverie poétique. ». 

– cit. Man Ray, Autoportrait, 1963, Actes Sud, 1998 –

 

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« Lorsque Man Ray tourne son attention vers le cinéma, “ sa curiosité est éveillée, selon ses dires, par l’idée qu’il pourrait mettre en mouvement quelques-uns des résultats qu’il avait obtenus en photographie ” Ainsi, son premier film Le Retour à la Raison (1923) comportera essentiellement une série de ciné-rayogrammes, c’est-à-dire des impressions photographiques directes sur pellicule de différents éléments : sel, poivre, épingles punaises, ressort… »

– Suzanne Liandrat-Guigues cit. L’essai et le cinéma

 

« Cette technique, dont Man Ray s’attribue l’invention, est en réalité une version “ artistique ” moderne des dessins photogéniques de William Henry Fox Talbot qui étaient considérés comme un divertissement curieux au XIXe siècle. En 1917, Christian Schad la pratique également sous le nom de “ schadographie ”, tandis qu’Alvin Langdon Coburn baptise ses œuvres “ vortographe ” ; en 1921, Man Ray et László Moholy-Nagy l’exploitent sous les dénominations respectives de “ rayogrammes ” et de “ photogrammes ”. La diversité des interprétations possibles du photogramme est illustrée par la comparaison des appréciations que lui portent ses différents adeptes, compte tenu des procédés techniques et physiques mis en œuvre : pour Coburn, il s’agit de constructions quasi- abstraites ; pour Schad, il convient de les rehausser par l’addition de dessins ou de peintures, à l’image des collages ; pour Moholy-Nagy, ils constituent la source d’une nouvelle composition de l’espace, immatériel et lumineux, grâce à la surimposition et à l’interpénétration des formes ; c’est la déformation du sujet par la lumière et la chimie, qui créent ainsi des apparences nouvelles, qui enthousiasme Man Ray. »

– cit. L’art face à la crise

 

Ci-dessous et de haut en bas photogrammes de :
Man Ray (1925), William Henry Fox Talbot (1842), Christian Schad,
László Moholy-Nagy (1925, 1926) et Alvin Langdon Coburn (1917).

Man-Ray-Rayographies-1925 William Henry Fox TalbotChristian-Schad-photogrammeslaszlo-moholy-nagy-photogrammelaszlo-moholy-nagy-photogramme-1925Langdon-Coburn-vortographe

« Man Ray recourra également à la technique de la surimpression, telle que l’utilise, à cette même époque, le dadaïste Francis Picabia dans le champ de la peinture. Ray superpose deux motifs (soit à la prise de vue, soit au tirage) qui s’entrechoquent dans le cliché final. C’est le cas d’une photographie connue où Tristan Tzara, assis en haut d’une échelle, est superposé au spectre d’une femme nue, animant la surface du mur de la chambre : union spectrale des corps et des esprits, collusion amoureuse et incongrue des motifs dans l’esprit surréaliste de la “ rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ” (Lautréamont). Man Ray donne aussi ses lettres de noblesse à une technique ancienne qu’il redécouvre à la fin des années 20 : la solarisation. Le principe, faut-il s’en étonner, fonctionne à nouveau sur l’inversion partielle des valeurs du cliché. L’exposition excessive à la lumière produit des effets d’aura qui annulent la précision de la forme, font naître un sentiment d’irréalité dans un liseré atmosphérique. Ce qui faisait auparavant défaut à la qualité du tirage (défaut connu sous le nom d’effet Sabatier) devient chez Man Ray le support d’un langage plus suggestif. »

– cit. Man Ray, la photographie à l’envers, Larousse, 1999 –

 
Man Ray surimpression photoMan Ray solarisation photo