Atlas critique d’Internet, spatialisation d’un objet complexe en vue d’en comprendre les enjeux socio-politiques,
est le projet de diplôme de Louise Drulhe mené à l’Ensad 2014 – 2015.
–
« Le plus souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans songer à mesurer, à prendre en compte ces laps d’espace. Le problème ce n’est pas d’inventer l’espace, encore moins de le ré-inventer, (…) mais de l’interroger, ou, plus simplement encore, de le lire. »
PEREC, Georges. Espèces d’espaces, Éditions Galilée, 1974.
Bien qu’il existe de nombreux textes traitant d’Internet, rares sont les écrits qui utilisent une lecture spatiale de l’espace d’Internet comme outil d’analyse socio-politique. Dans Internet : changer l’espace, changer la société, Boris Beaude explique l’existence d’un lien direct entre les enjeux concrets d’Internet et ses propriétés spatiales. Il montre qu’Internet est bien un lieu réel et comme les espaces façonnent les sociétés, c’est bien Internet en tant que nouvel espace qu’il faut interroger. Tenter d’en cerner les contours nous permettra d’en comprendre les enjeux. L’objectif de ce diplôme est d’utiliser l’analyse spatiale comme clé de compréhension des enjeux sociaux, politiques et économiques présents sur Internet.
Dans le but d’entreprendre la spatialisation d’Internet, j’ai organisé ma recherche sous la forme d’une suite d’hypothèses : une série de réflexions sur la représentation et la cartographie de l’espace d’Internet. Chacune de mes pistes est envisagée comme un exercice conceptuel de spatialisation qui est exposé par un ensemble d’éléments visuels (dessins, schémas, objets, modélisations 3D, animations vidéos). À la manière d’un processus scientifique, je justifie mes hypothèses par la présentation d’arguments tangibles et concrets de la structure d’Internet. L’ensemble de ces recherches est articulé sous la forme d’un atlas.
J’envisage l’atlas comme un outil qui permet de développer un « espace de la pensée ». Comme l’explique Georges Didi-Huberman, l’atlas, à la différence de l’archive ou de l’encyclopédie, correspond au « champ de l’essai », il permet un « montage dynamique » par la création d’essais visuels.
Formellement, l’Atlas a été envisagé comme la construction d’un espace. L’architecture de l’Atlas est né d’une réflexion poussée dans mon mémoire : design fluide. La création graphique en ligne a engendré une mutation du rapport entre le design graphique et l’espace. Sur une affiche, un livre ou un flyer nous positionnons les éléments en fonction de l’espace du support : s’il est petit, vertical, ou horizontal… Sur Internet, la logique est opposée ; nous devons composer sans espace, sans structure puisqu’un même site peut être vu sur un écran, un ipad ou un smartphone. Le rapport à l’espace est complément différent que celui qui existe pour les média print. Sur Internet, nous composons une matière fluide capable de s’adapter à une infinité de formats.
De ces observations, j’ai conçu l’atlas critique d’Internet comme une édition qui possède une infinité de formats différents autant en ligne (site web) que sur papier (livre, affiche). Si les sites web possèdent par défaut une infinité d’affichages écran, j’ai poussé cette idée plus loin en développant un travail expérimental : créer un livre ayant une multitude de formats toujours différents. En utilisant le langage CSS-Print, j’ai programmé la mise en page de l’atlas. J’ai designé des règles du jeu qui sont contraintes par la forme du support : livre étroit, petit, grand… Depuis le navigateur web, la mise en page est générée en fonction du format choisi. Donc, l’atlas d’internet est la substance insaisissable, il est le code informatique unique (fait de HTLM, CSS et JS), qui possède une infinité d’affichages à travers différents formats : de l’écran, au papier, à l’espace de l’exposition. (Louise Drulhe cit. internet-atlas.net/documentation)