« Issu d’une famille d’industriels, Jean Colin (1911-1982) trouve sa voie très tôt et décide de suivre les cours des Arts décoratifs, d’où il sort en 1933. Il y est successivement élève de Cassandre et de Carlu. En 1935, il entre dans l’atelier du dessinateur et éditeur Raymond Gid. Il y reste jusqu’en 1939. En 1937, année de l’exposition parisienne internationale des Arts et Techniques, il collabore aux panneaux publicitaires réalisés par Gid pour le pavillon de l’Enseignement.
De 1941 à 1950, Jean Colin est l’auteur d’une quarantaine d’affiches pour le cinéma très représentatives du style graphique des années 1940. Avant même sa sortie de l’École des arts décoratifs en 1932, il signe sa première affiche pour le film d’Edmond T. Greville Plaisirs de Paris. Il ne dessine sa seconde affiche pour le cinéma que dix ans plus tard. Dans l’intervalle, Jean Colin travaille pour la société de production Films Orange. Il réalise des invitations, des pages publicitaires et des photomontages qui paraissent dans la revue Le Film, qui remplace La Cinématographie française lors de son interruption durant la Seconde Guerre mondiale, entre 1940 et 1944 […] Ces réalisations l’amènent à travailler pour des films documentaires dont la société Arts-Sciences-Voyages assure la promotion.
En 1943, il obtient le grand prix de l’Académie de l’affiche pour la reprise d’un film de 1936, L’Appel du silence, consacré à la vie du père de Foucauld. Il n’abandonne pas pour autant le domaine de la fiction, et produit de très belles affiches composées d’un mélange de dessins et de photographies pour des films aussi célèbres que Les Anges du péché de Robert Bresson en 1943, Le Ciel est à vous de Jean Grémillon en 1943, ou encore, la même année, Le Voyageur sans bagages, de Jean Anouilh et Jean Aurenche. Après la guerre, sa carrière dans ce domaine se poursuit avec, entre autres, des affiches pour Sortilèges de Christian-Jaque (1945), la ressortie de Zéro de conduite de Jean Vigo en 1945, La Marie du port (1950) et Les Portes de la nuit de Marcel Carné (1946). Sa dernière affiche est celle d’Odette, agent S 23 d’Herbert Wilcox (1950), qui est une quintessence de son art graphique.
À partir des années 1950, Jean Colin travaille essentiellement pour l’affiche publicitaire. Ses principaux clients sont Air France, la SNCF et les boissons Perrier, Cinzano ou Coca-Cola. Une de ses affiches les plus célèbres est celle du zèbre Cinzano. Il signe également des affiches pour des marques de cigarettes (Gitanes, Gauloises, Balto) ainsi que pour des marques d’électroménager (Philips, Laden). »
– cit. cinema.encyclopedie –
« L’affiche moderne est essentiellement graphique, alors que précédemment elle tendait plutôt, dans ses meilleures réussites, a avoir un caractère pictural. Jean Colin trouve dans cette formule graphique une conception qui correspond exactement à son goût d’un certain ordre et de la précision, mais il n’est pas esclave d’un procédé et sait l’assouplir jusqu’à lui faire exprimer toutes les nuances, jusqu’à y incorporer et accorder des éléments très divers, voire contradictoires.
Nul mieux que lui par exemple n’a su utiliser la photographie, non en photomontages avec d’autres photographies, mais seule, en l’insérant, ou en l’enchassant dans une composition purement imaginaire et vivement colorée. Et s’il sait accorder le réalisme d’une photographie à la fantaisie d’une peinture, il sait aussi accorder la rigueur d’une invention géométrique avec la représentation d’un objet parfaitement imité. Il joue avec les différents moyens de suggestion, allant du trompe-l’œil a la transposition schématique, souvent mêlant plusieurs formules dans une même composition, pour le plaisir de surprendre par cette faculté d’harmoniser les contraires.
A la base il y a l’homme calme, conscient des moyens mis à sa disposition et du but à atteindre. Partout on le sent dominé par la géometrie de sa logique; aussi ne faut-il pas s’étonner de l’importance qu’il donne à la lettre et du soin qu’il apporte â la dessiner, avec une très grande variété. Elle fait vraiment corps avec chaque composition, vaut autant par sa forme ou sa couleur que par le texte qu’elle compose.
On sent bien d’ailleurs chez Jean Colin le désir de trouver les signes expressifs, de composer un vocabulaire de signes. Il est constamment à la recherche du symbole et la plupart de ses affiches sont comme des rébus, rébus faciles à déchiffrer pour ne dérouter ni décourager le public, mais qui demandent cependant quelques secondes d’arrêt; bonne formule publicitaire pour contraindre la pensée â se fixer sur l’objet recommandé. Il y a dans son œuvre un double aspect d’analyse et de synthèse, mécanisme de la pensée qui d’ailleurs se retrouve probablement dans toutes les grandes créations publicitaires: analyse des éléments qu’il faut mettre en valeur pour fixer l’attention sur le produit recommandé; synthèse pour simplifier et harmoniser entre eux les différents éléments.
Cette gymnastique de l’esprit est nécessaire pour tous les themes à traiter et la diversité des résultats découle inévitablement de la variété même des themes lorsque, au point de départ, le raisonnement est juste. Ainsi ne saurait-on s’étonner d’une invention constamment renouvelée, qui peut servir successivement, et avec autant de bonheur, le cinéma ou un produit alimentaire.
Pour la même raison cette discipline de la pensée peut ne pas se limiter au seul domaine de l’affiche, et Jean Colin compte à son actif d’heureuses réussites dans les autres formes d’édition: les catalogues, dépliants et imprimés divers lui ont donné l’occasion de donner la preuve de sa fantaisie, d’une façon peut-être plus libre encore que dans l’affiche. La raison en est dans le fait que le prospectus est regardé plus lentement que l’affiche. On peut y chercher de plus subtiles nuances, y établir de secrets rapports entre les éléments qui le composent. S’il est réussi, celui qui le reçoit est tenté de le conserver et ainsi la publicité dont il est le véhicule, est plus efficace, plus durable. Très différents des affiches, ces prospectus et catalogues confirment exactement les mêmes dons, le même état d’esprit: goût des élégantes typographies, dessins épurés jusqu’à devenir des schémas géométriques, incorporation du document photographique dans l’ensemble.
On ne saurait s’étonner d’être obligé d’employer les mêmes, mots pour caractériser des œuvres cependant très différentes en apparence. En vérité, c’est bien de cela qu’est fait une authentique personnalité: fidélité à soi même, mais avec d’infinies façons de l’exprimer. »