Photographie du portrait © Phil Sayer / eyemagazine.com
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Née en 1960 au Pays-Bas, la graphiste Irma Boom aime les livres et les conçoit comme de véritables architectures, des constructions autonomes en matières et couleurs comme elle aime à le dire. Depuis plus de trente ans et plus de 300 ouvrages à son actif, elle n’a eu de cesse de repousser les limites du design traditionnel du livre. Explorant les nombreux paramètres formels de celui-ci, dont le format, le papier, la structure et la reliure, tout en respectant sa longue tradition. Ses livres sont célébrés comme de véritables œuvres d’art à travers le monde entier, même si elle s’en défend, un certain nombre d’entre eux font d’ailleurs partie de la collection permanente des Bijzondere Collecties de l’Université d’Amsterdam (qui maintiennent ses archives vivantes), du MoMA de New York, du Centre Pompidou ou encore du Museum für Gestaltung de Zurich.
« The role of the designer is more than make a book that look good.
The book as a total piece is important for me : content, size, weight, smell.
Small pieces of architecture, I love to build books. »
(Irma Boom dans une interview donnée à Peter Biľak en 2012)
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Ses ouvrages ont inspiré une ligne de textile pour Knoll et sa fascination pour les textiles l’a conduite jusqu’a concevoir des rideaux pour l’immeuble des Nations Unis à New York. Outre des livres, qui constituent le cœur de son travail, elle conçoit des logos et identités – par exemple celle pour le Rijksmuseum dessinée en 2013 – ainsi que de nombreux rapports annuels, timbres, affiches et divers objets destinés à l’espace public comme cette fresque géante de 80 000 carreaux pour un tunnel à Amsterdam.
Pour ses réalisations, Irma Boom a reçu de nombreuses distinctions, dont plusieurs fois le prix couronnant aux Pays-Bas le livre le mieux conçu graphiquement, ainsi que le prestigieux Gutenberg-Preis en 2001 ou encore, en 2012, le Prix Amsterdam. La même année, la Médaille d’Honneur pour l’Art et la Science, décernée par la reine Beatrix, est venue récompenser son travail.
Durant sa troisième années d’etude à l’AKI Art Academy de Enschede elle postule pour faire un stage au sein de l’agence Total Design mais sa candidature sera rejeté, jugeant son profil trop excentrique. Un de ses enseignant lui recommande alors d’essayer d’intégrer l’office des publications néerlandais (la Staatsdrukkerij) basé à la Haye. Elle y partagera un bureau avec 30 autres designers et y apprendra à réaliser des livres et des identités. Elle réalisera notamment celle du ministère de la culture, pour laquelle Walter Nikkels avait conçu le logo. À la suite de ce stage elle travaillera durant 3 mois au sein du prestigieux Studio Dumbar, puis, pour la télévision néerlandaise (NOS).
Son diplôme en poche elle retourne a la Staatsdrukkerij où elle travaillera durant 5 ans et demi, période très active et productive durant laquelle elle apprendra et expérimentera énormément notamment en réalisant les publicités et les autres tâches que personne ne voulait faire, lui offrant ainsi une plus grande marge de manœuvre. Son travail sera remarqué par Ootje Oxenaar qui l’invitera à concevoir le prestigieux annual Dutch postage-stamp books, pour l’édition 1987 à 1988. Ce travail, bien que fort apprécié par Oxenaar, se verra fortement critiqué par les collectionneurs pour son rendu bien trop expérimental en comparaison avec les précédentes éditions. Cette controverse lui vaudra une première reconnaissance mondiale.
Sa carrière prendra un tournant décisif en 1991, cette même année elle lance son propre bureau à Amsterdam, l’Irma Boom Office et elle est approchée par l’entrepreneur et philanthrope Paul Fentener van Vlissingen avec qui elle travaillera ensuite pendant 16 ans. Il fait la commande d’un premier ouvrage pour célébrer le centenaire de sa société la SHV holding, sans contrainte de temps ni budget. Aussi appelé Think-book, la conception de l’ouvrage puisant dans une minutieuse étude des archives et de la vie de la compagnie en collaboration avec l’historien de l’art Johan Pijnappel prendra cinq années et sera publié en 1996. Il comprend 2136 pages dont l’agencement ne doit rien au hasard et pèse 3,5 kilos, aujourd’hui considéré comme un symbole du “Dutch Design”. Ce premier projet couronné de succès amènera d’autres commanditaires néerlandais ou étrangers à faire appel à elle par la suite, par exemple Vitra, Ferrari ou encore le Rijksmuseum.
Elle réalise en 1999 une monographie pour le célèbre graphiste néerlandais Otto Treumann (1919-2001) dont la couverture reprend en petites vignettes (environ 700) l’ensemble son œuvre. De pages en pages les images se font de plus en plus grandes, son travail se retrouve décortiqué, recadré, démultiplié invitant le lecteur à se plonger au cœur même de ses nombreuses réalisations et retrouvant et traduisant ainsi le modernisme initiale du travail de Treumann. C’est Irma Boom elle même qui a réalisé la sélection des travaux et a décidé de leur ordre d’apparition s’appuyant sur de longue recherches. Elle avait étudié ses idées et son travail dans les moindres détails et voulait que le livre soit un veritable hommage à son œuvre. Bien qu’ayant approuvé et suivi le projet, Treumann ne fut pas content du résultat final, ne se retrouvant pas dans cet ouvrage qui selon lui était trop la vision d’une seul personne. Dans la succession et le rythme des images, Irma Boom a placé le travail de Treumann dans une nouvelle perspective, l’ouvrant ainsi à tout une nouvelle génération. Le graphiste Anthon Beeke réagira d’ailleurs lors de sa parution en disant qu’avec lui Irma Boom a ancrer Otto Treumann dans le XXIe siècle.
Alors âgé de 72 ans, la célèbre artiste textile américaine Sheila Hicks cherchait un designer pour son nouveau livre. Ce dernier devait être publié par Yale University Press à l’occasion d’une exposition de son travail au Bard Graduate Center à New York. C’est le photographe tchèque Josef Koudelka, qui dénicha Irma Boom pour Hicks lorsqu’il découvrit ses annuaires de timbres-postes à la librairie parisienne La Hune. Bien qu’il n’ait pas immédiatement saisit le concepts de ses livres, il fut impressionné par leur fabrication et leur design. Il téléphona immédiatement à Sheila Hicks en disant : « Je ne sais pas qui elle est, mais elle doit juste faire ton livre. ». Hicks écouta ce conseil et invita Irma Boom à Paris. C’est là que débuta leur collaboration.
Hicks avait d’abord étudié la peinture à la Yale School of Art, puis, au cours de ses études, elle s’est intéressée au textile, domaine dans lequel elle a atteint une renommée incontestée. L’objet de ce livre n’était pas ses œuvres monumentales indépendantes habituelles mais plutôt ses miniatures : des petites pièces de tissu d’environ 30 cm de hauteur. Le livre Weaving as Metaphor ressemble à une petite pelote de coton. Composé de papier blanc mat, ses bords sont rugueux. Sur la surface blanche de la couverture, on remarque un relief / un gaufrage d’une œuvre de Hicks qui renforce d’avantage l’idée que ce livre est avant tout une matière. Le livre contient plus de 100 miniatures et un certain nombre de photos de Hicks et de son environnement de travail. Ce sont des croquis et des notes, rassemblés pendant ses nombreux voyages. Chaque page de droite affiche une partie de son travail. La page de gauche reste toujours blanche, ne contenant qu’une brève description de l’œuvre. En raison de tout le papier blanc environnant, les illustrations sont isolées et ressortent de façon plus frappante. En traitant ainsi son matériau, Boom a donné au livre une qualité sculpturale et extrêmement tactile. Le livre rompt les conventions typographiques sobres que l’on trouve habituellement dans les catalogues d’artistes. Le texte commence en très grand corps (composée en Plantin), associé à un tissage grossier de Hicks, qui devient progressivement plus petit à chaque page, se terminant par une tapisserie serrée et raffinée. Peu à peu, la taille du texte diminue, mettant ainsi le lecteur au défi de continuer à lire. Ce livre a été récompensé en 2006 à la foire du livre de Leipzig, comme étant le plus beau livre au monde.
The Survival of the Book or The Renaissance of the Book !
Texte présent dans son ouvrage Irma Boom: The Architecture of the Book
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« The distribution of information has always been dependent on its changing form. The classic book can’t escape that and is now feeling it acutely. The digital book is decidedly on the rise. But its appearance in the form of flat, digital images need not threaten the three-dimensional book. The new competition even encourages us to explore the intrinsic characteristics of the printed book more intensely. I think we stand on the verge of a new flourishing of the classic book. Perhaps it has even begun already: the Renaissance of the book.
For the printed book, pre-conceived layouts are a thing of the past. The book designer must first become thoroughly familiar with the content before beginning the actual task at hand: conceiving a structure and a form. One can compare designing a book to performing a piece of music: a conductor explores the music and interprets it. The book designer is an editor and director of texts and images. The result of this effort is the freezing of time and information, which is a means of reflection; compare it to a photograph or a painting. An image at a given moment serving as a reference of time and place. The flux inherent in the internet doesn’t allow you that kind of time. The printed book is final and thus unchangeable. Moreover, the extra use of base materials and man-hours (with printing and binding) forces you, to some degree, to make conscious choices.
I make books where content and form are closely connected. The content of the material very much determines the design. This makes each book unique: never the result of routine treatment. My books have a physical presence through their dimensions, scale and weight. Their form may be emphatic, but it is always determined by the content. The need for the book’s intimacy — the paper, the smell of ink — is certainly not nostalgia or false sentiment. The printed book is a fundamental and integral part of our tradition and culture, of published and public knowledge and wisdom.
The book is dead.
Long live the book ! »
Plus de ressources sur Irma Boom :
→ irmaboom.nl
→ Regarder la conférence Irma Boom l’architecture du livre | Centre Pompidou | 2013
→ Consulter l’ouvrage Otto Treumann: Graphic Design in the Netherlands
→ Un entretiens en anglais entre Anne Miltenburg et Irma Boom dans la revue Eye
→ Lire l’article Building Books | The Powerful Book Designs of Irma Boom par Petri Leijdekkers
→ De nombreuses réalisations sur le site du MoMa et geheugenvannederland.nl
→ De nombreux articles sur nytimes.com, nrc.nl, medium.com, …
→ Consulter l’ouvrage Modern Women: Women Artists at The Museum of Modern Art
→ Un aperçu de son ouvrage Irma Boom: The Architecture of the Book (2)
→ Regarder la conférence Irma Boom: The Book is Not a PDF réalisée dans le cadre des Letterform Lecture