Hermann Zapf

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Le typographe et calligraphe allemand Hermann Zapf est décédé, le 4 juin, à l’âge de 96 ans. Il a créé plus de 200 polices, y compris le célèbre Palatino, Aldus, Optima, Zapf Dingbats et Zapfino. Le portrait de cette semaine ne pouvait que lui rendre hommage, bonne lecture à tous.

« On ne peut discuter calligraphie à propos du XXᵉ siècle sans citer le nom de son plus illustre représentant, le typographe-calligraphe allemand Hermann Zapf. Né en 1918 à Nuremberg, ville de prédilection où vécurent J. Neudorffer, N. Fugger et R. Koch, trois grands maîtres d’écriture entrés dans l’Histoire, Zapf a, à ce jour, dessiné quelque 175 alphabets typographiques, aussi bien pour le plomb, la photo composition traditionnelle que la digitalisation de caractères par ordinateur […]

Cet artiste, d’une profonde culture humaniste et graphique, n’a jamais caché que toute une partie de son œuvre typographique a été inspirée par la calligraphie. Pour un œil averti, l’observation minutieuse des très nombreuses polices de caractères qu’il a dessinées le confirme. Ce créateur a toujours su allier la perfection des formes à la tradition, se référant sans cesse au passé, surtout si ses alphabets devaient être fabriqués et diffusés au moyen des technologies les plus performantes de l’époque. Dès 1939, après avoir étudié la calligraphie en autodidacte dans les livres de Johnston et de Koch, il dessina pour la fonderie Stempel de Francfort une très belle gothique Fraktur appelée Gilgengart, utilisée pour le texte de labeur. Cet alphabet calligraphique de tradition germanique devait être le point de départ d’une longue série de créations d’écritures pour le livre notamment.

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En 1948, il dessina le Palatino en romain et en italique. La notoriété de cet alphabet n’est plus à faire, son classicisme l’a fait adopter par les graphistes du monde entier. Sa version italique fait nettement ressortir l’influence des maîtres calligraphiques du XVIᵉ siècle, dans un ductus retenu et adapté aux contraintes du plomb à l’origine. […] En 1958, toujours pour Stempel, une autre de ses grandes réussites typographiques fut dessinée, gravée, fondue et éditée en plomb, le célèbre Optima, d’inspiration lapidaire romaine, qui pourrait être placée dans la famille des Incises, suivant la classification Vox de 1962.

Durant un demi-siècle, Zapf a su apporter à la typographie contemporaine une inspiration calligraphique éminente et démontrer ainsi que toute création typographique devait s’appuyer sur la tradition, bien entendu revue, corrigée et adaptée aux technologies d’aujourd’hui. L’ensemble de son œuvre est génératrice d’un plaisir immense qu’éprouvera, même inconsciemment, le lecteur à parcourir et à lire des textes soutenus par l’utilisation de très beaux caractères, très bien dessinés à l’origine par la main d’un homme, un calligraphe hors pair de notre époque […] »

– Jean Larcher cit. La calligraphie occidentale –

 

« S’inspirant de ces caractères d’inscriptions italiennes du XVᵉ siècle, dont les lettres étaient non seulement dépourvues d’empattements mais aussi caractérisées par un net contraste entre pleins et déliés, Zapf commença en 1952 un travail qui allait lui prendre 6 années : le dessin de l’Optima. Ce travail continu ne fut infléchi qu’une fois lorsqu’en 1954, sur une suggestion de Monrœ Wheeler du MOMA de New York, Zapf décida que l’Optima serait également caractère de labeur. L’Optima fut commercialisé en 1958 en version typographique traditionnelle par la fonderie Stempel de Frankfort puis pour machines de composition par l’américain Mergenthaler. Il est à noter que l’italique de l’Optima a été une des premières fontes à avoir été créée avec l’aide d’un système mécanique de distorsion.

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Héritier des linéales dessinées par Edward Johnston pour le métro de Londres et leur adaptation tardive par Eric Gill, les capitales de l’Optima suivent les proportions des inscriptions de la colonne trajane à Rome qui remontent à 113 après Jésus-Christ et sont considérées comme le plus bel exemple de capitales romaines. La ligne de pied est également plus haute que celle des prédécesseurs de l’Optima. Zapf jugeait en effet que les caractères d’imprimerie depuis le début des années 1900 avaient des jambages supérieurs trop longs et des jambages inférieurs trop courts. Les proportions entre l’œil et les jambages de l’Optima respectent également les règles du nombre d’or. Toutefois, les lignes courbes des fûts de chaque lettre sont plus le résultat de contraintes techniques typographiques que de considérations esthétiques. C’est enfin un caractère bâton avec un axe incliné, dont les jambages inférieurs et supérieurs se rétrécissent légèrement à leur extrémité, mais qui conserve un lien manifeste avec la calligraphie. Le ‘M’ est évasé et le ‘g’ a une forme vénitienne classique.

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Il provoqua des remous lors de son lancement en 1958 car il remettait en cause la notion selon laquelle les linéales étaient par nature moins lisibles que les romains. Ce caractère, très représentatif de son époque, s’éloignait en effet du caractère de labeur traditionnel et d’autre part, il présentait une nette modification du mouvement des linéales, en adoucissant la rigueur des lettres géométriques pour englober la grande tradition de l’alphabet et ses origines manuscrites. L’Optima se voulait être intermédiaire entre le romain et la linéale moderne […] »

– cit. typographie.org

Plus de ressources sur Hermann Zapf :

hermannzapf.de
→ Consulter The Lifestory of Hermann Zapf
→ Différents articles sur linotype.com, luc.devroye.org, fontshop.de, …
→ Consulter le Manuale Typographicum de 1954
Consulter l’article Vom Formgesetz der Renaissance Antiqua
→ Consulter l’article L’ordinateur et la typographie
→ Consulter le volume 3 du magazine U&LC
→ Différents extraits de specimens sur library.rit.edu
→ Soutenez The Hermann Zapf Sketchbook Project sur Kickstarter
Différents articles de Paul Shaw relatif à Hermann Zapf




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