Photographie du portrait : © wagenbreth.de
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Plutôt que de faire de la bande dessinée avec un crayon, Henning Wagenbreth fut l’un des premiers à utiliser exclusivement l’ordinateur. Son graphisme singulier, composé de pixels, forme un univers inflexible et rigoureux où tout est géométrique […] Lignes fortes et faussement simples, aplats avec rarement plus de trois couleurs mais éclatantes, traits caricaturaux des personnages : son dessin évoque aussi bien l’expressionisme allemand que les comics d’Art Spiegelman. Henning Wagenbreth a su dépasser ces influences pour affirmer un style propre, très reconnaissable, qui sert à merveille son propos en interpelant visuellement le spectateur […]
« Né en 1964 à Eberswalde, en Allemagne, Henning Wagenbreth, découvre vite qu’embrasser une carrière dans le graphisme et le dessin constituent bonne manière d’échapper au contrôle de l’État. Ses influences les plus anciennes ne viennent pas tant des rares bandes dessinées allemandes qui lui tombent sous la main chez des amis, que d’illustrateurs populaires du XIXe siècle, de l’imagerie polonaise qui le marqueront durablement […] Un stage de plusieurs mois chez un imprimeur où les artistes Berlinois venaient expérimenter leurs impressions lui révèle l’importance de ces techniques, un bagage qu’il emporte une fois accepté à l’école Supérieure d’Art de Berlin-Est où il se spécialise dans la typographie et l’illustration […]
Dans les années qui précèdent la Chute du Mur, affichage sauvage, micro-édition, revues underground d’illustration/BD/graphisme, sont autant une expression artistique qu’un engagement militant que Wagenbreth partage avec ses complices du collectif, PGH Futur Radieux (Produktionsgenossenschaft des Handwerks, Glühende Zukunft), Anke Feuchtenberger, Holger Fickelscherer et Detlef Beck.
Dans les années 90, c’est l’explosion libératrice, les artistes de Berlin-Est sont très demandés et à l’occasion d’une résidence d’un an à Paris, Wagenbreth découvre un monde de l’illustration-édition en pleine effervescence : la mouvance Bazooka, Pascal Doury, Marc Caro, Loustal, Petit-Roulet, Bruno Richard. Mais c’est surtout l’occasion d’une rencontre déterminante en la personne de Mark Beyer, père d’Amy and Jordan, un des piliers du magazine Raw d’Art Spiegelman. Couleurs vives, dessin naïvement géométrique, minimaliste, univers dépressif hanté par la mort sont également constitutifs de ses créations et de celles du Berlinois […] Corrosif, souvent cruel, désireux de déranger plutôt que de plaire dans ses récits, Wagenbreth cherche toutefois à séduire par sa brillante maîtrise de couleurs. « Au départ vous vous dites : “Oh !, ça à l’air beau. Ça ressemble à quelque chose de divertissant, c’est comme ça qu’on leurre les gens, qu’on les implique pour les confronter à un contenu plus noir. Si je m’en tenais à la seule horreur, les gens regarderaient une page et refermeraient aussitôt le livre.”, affirmait-il en 2007 à Rick Poynor, dans Print Magazine. »
– Fabien Texier cit. plan-neuf.com –
« Le journal Libération lui fait dessiner en 1997 des pictogrammes pour identifier ses rubriques, un système qui restera en vigueur jusqu’en 2007. Henning Wagenbreth aime aussi illustrer des livres : Mond und Morgenstern (La Lune et l’Etoile), un livre pour enfants qui sera sacré “Plus beau livre du monde” en 1999. La conception, la préparation et la mise en page d’un produit imprimé reste d’ailleurs sa principale motivation pour le graphisme, avec récemment une réédition en 2013 d’une histoire pour enfants, Le Pirate et l’Apothicaire, de Robert L. Stevenson, et en 2014 la reprise illustrée d’un roman de Bertolt Brecht.
Entretemps, Henning Wagenbreth continue sa carrière d’affichiste et d’illustrateur pour la presse, et surtout crée et expérimente tous azimuts. En 2004, il a dessiné pour la revue Zeit dans un style très pixellisé Plastic Dog, 26 BDs de 8 cases (en une planche) initialement destinées à l’écran des appareils Palm et très ironiques sur les dérives de notre société technologique. Il n’en est pas technophobe pour autant et a été un des premiers graphistes à s’intéresser aux logiciels de création de caractères. Et en a profité pour systématiser une police, la FF Prater, à partir de ses lettres dessinées. En 2006, il conçoit Tobot, un système de composition de dessins comme un éditeur de texte, en remplaçant les lettres par ses propres dessins. Une “machine à illustrer” qu’Henning Wagenbreth a utilisé pour des commandes comme pour des projets personnels, éditant ainsi des “Tobot blocks”, silhouettes découpées dans le bois et peintes de ses dessins. »
– Paul Schmitt cit.pixelcreation.fr –
Plus de ressources sur Henning Wagenbreth :
→ wagenbreth.de
→ Une présentation rythmée et colorée de l’univers de Wagenbreth
→ De nombreux articles et vidéos dans la rubrique “Presse” du site de Wagenbreth
→ Une interview en anglais
→ Une belle présentation du travail pour l’ouvrage Le Pirate et l’Apothicaire