En couverture : Des danseurs nakoaktoks portent des masques hamatsas lors d’un rituel | 1914.
Photographie de Edward S. Curtis, Bibliothèque du Congrès.
–
« Pendant plus de 30 ans, le photographe Edward Sheriff Curtis (1868–1952) a parcouru l’Amérique du Nord de long en large pour essayer d’immortaliser, par les mots et l’image, le mode de vie traditionnel de ses habitants indigènes en voie de disparition. Il s’est consacré avec une passion sans relâche à cette tâche devenue l’œuvre de toute une vie, couronnée par la publication de son encyclopédie: Les Indiens d’Amérique du Nord. Cette œuvre monumentale comporte vingt volumes de textes et autant de portfolios comprenant plus de 2.000 illustrations. L’œuvre de Curtis, inégalée à ce jour, a sans aucun doute, plus qu’aucune autre, profondément conditionné notre manière de percevoir les Indiens d’Amérique du Nord. »
– cit. taschen.com –
« Entre 1896 et 1930, Edward Sheriff Curtis photographie quelque quatre-vingts peuples amérindiens et publie 2 228 photogravures dans sa grande encyclopédie en vingt volumes, The North American Indian (1907-1930) – œuvre gigantesque mais inclassable, associant des photogravures très ouvragées à des milliers de pages de texte ethnographique. D’abord connu pour ses portraits de la bourgeoisie locale de Seattle, Edward Curtis réalise sa vaste saga pictorialiste du monde amérindien dans le contexte des politiques assimilationnistes menées par le gouvernement fédéral. À rebours de ces politiques de détribalisation, Edward Curtis tente dans ses clichés d’occulter les signes de déculturation, poursuivant l’ambition de “retrouver” l’Indien d’avant le contact – cet Indien exotique, censément préindustriel et prémoderne, et largement fantasmatique. Pour cette raison, on lui doit une photographie extrêmement construite et parfois lourdement scénarisée, traversée par un puissant imaginaire. Ses multiples stratégies de pose, de mise en scène et d’accessoirisations le placent en effet du côté des pratiques photographiques dites “mixtes”, “créatives” ou “interventionnistes”.
« Aucune de ces images ne devait contenir la moindre trace de civilisation, qu’il s’agisse d’un vêtement, d’un élément du paysage ou d’un objet sur le sol. Ces images ont été conçues comme des transcriptions à destination des générations futures pour que celles-ci aient une image aussi fidèle que possible de l’Indien et de sa vie avant qu’il n’ait quelque contact que ce soit avec un visage pâle ou même qu’il ne soupçonne l’existence d’autres hommes ou de mondes différents du sien. »
– Curtis cité par Ralph Andrews, cit. Curtis’s Western Indians, Bonanza Books, 1962, p. 26. –
Pourtant, et bien que la part de fabrication inhérente au projet soit affichée, son travail semble paradoxalement avoir été évalué à l’aune de son degré d’exactitude. Entre 1910 et 1990, la trajectoire critique de l’œuvre est ainsi tout entière clivée autour de la problématique du vrai et du faux, oscillant entre idéalisation naïve et condamnation virulente, entre une “crédulité” parfois crasse et une obsession parfois paranoïaque du faux […]. »
– Mathilde Arrivé cit. Par-delà le vrai et le faux ? Les authenticités factices d’Edward S. Curtis et leur réception –
→ Accéder à la collection de photographies d’Edward Sheriff Curtis
→ Regarder le film de 1914 : In the Land of the Head Hunters