Claude Garamont

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« Emblématique de la typographie française, Claude Garamondus Garamont a magistralement traversé le temps, ses caractères se sont adaptés à toutes les innovations techniques et continuent d’inspirer la création typographique mondiale. […] Le Garamond s’est en effet bel et bien révélé un véritable monument, un caractère taillé pour l’éternité, traversant les modes typographiques avec brio et inventivité.

Claude Garamont (1499-1561) naît et travaille à Paris comme graveur de caractères typographiques. Il sera l’un des premiers à rendre cette activité indépendante de celle de l’imprimerie : auparavant, les imprimeurs gravaient et fondaient eux-mêmes leurs caractères. En 1539, il grave pour Robert Estienne (imprimeur de François Iᵉʳ pour le grec) trois corps des Grecs du roi […] Ces caractères furent employés pour l’édition des ouvrages de Xénophon. S’il n’a pas inventé les caractères ‹ romains ›, Garamont les a portés à un haut niveau de réalisation. Le Garamond reste aujourd’hui le caractère français par excellence (on orthographie généralement avec un ‹ t › le nom du fondeur et un ‹ d › le style de caractères qu’il a créé). »

Communiqué de presse, Musée de l’imprimerie de Lyon

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« La lettre typographique Garamond représente la France dans sa tradition de la dialectique, exprimée dans le dialogue parfait entre les pleins et les vides, les galbes et la géométrie. »

→ Françoise Schein cit. garamond.culture.fr

« Les caractères grecs gravés par Garamont permirent d’imprimer des manuscrits de la Bibliothèque de François Iᵉʳ. Surpassant, par leur beauté et leur qualité technique, tous les caractères grecs existant, les Grecs du Roi s’imposèrent pendant près de deux siècles à toute l’Europe. Malgré d’importantes innovations dans l’histoire du dessin de caractères, comme celles apportées par Philippe Grandjean pour son caractère Romain du Roi, créé pour Louis XIV en 1702, les anciens Garamond ne se démodèrent pas. Il fallut attendre le style imposé à la fin du XVIIᵉ siècle par l’imprimeur anglais Baskerville, aux pleins et déliés plus accentués, pour que la prééminence du Garamond décline. Avec les caractères créés en France par les Didot (en activité du XVIIIᵉ au XXᵉ siècle), le Garamond disparaît quelques temps de la scène typographique européenne. »

Communiqué de presse, Musée de l’imprimerie de Lyon

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Spécimen Egenolff-Berner, 1592

« Au romain, il conféra une élégance sans pareille qui jamais ne serait surpassée. Quel délicat raffinement ! Dans la pureté stylisée du contour des lettres ; dans l’équilibre des déliés et des pleins, complémentaires mais non opposés ; dans le galbe parfait des lettres rondes ; dans la finesse des empattements triangulaires et dans le rôle esthétique discret des obits ou, autrements dit, des apices ; dans les tracés verticaux modérément accentués des hampes hautes et des queues qui contribuent à renforcer l’impression de légèreté de l’ensemble ou dans de rares, mais bienvenus, appendices ornementaux. Si, pour la gravure de l’italique, Garamond se borna à incliner les lettres majuscules romaines, il reprit, pour ses minuscules, les délinéaments de l’écriture cursive dont il reconstitua avec grâce, le trait de plume naturel. Ce ne sont plus seulement des lettres penchées, mais des caractères italiques d’une facture originale. »

→ Roger Dédame cit. Mémoire des métiers du livre

« Il est communément admis que Garamond s’est inspiré du Romain de Jenson pour graver le sien. Stanley Morison, le grand historien et théoricien de la typographie, a contesté cette opinion, soutenant que les premiers Romains de Garamond étaient beaucoup plus proches de ceux d’Alde Manuce et de Francesco Griffo. C’est ainsi que les capitales d’Alde et de Garamond sont plus étroites que celles de Jenson, que la barre de l’e est horizontale dans le Romain des premiers alors qu’elle est oblique chez ce dernier. De plus, la tête du pied droit de le ‹ M › capitale chez Alde comme chez Garamond est privée d’empattement, alors que le ‹ G › capitale est du même type c’est à dire muni d’un empattement de tête qui n’était accusé que d’un seul côté.

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Nicolas Jenson, Aulus Gellius, Noctium Atticarum, 1472 et De Evangelica praeparatione, 1470

Geoffroy Tory a vraisemblablement exercé une influence sur Garamond, notamment en ce qui concerne l’attitude à adopter à l’égard du Romain. Le Champfleury de Tory, est le lieu suprême où la typographie et la culture se rencontrèrent. Il est probable que sans l’enseignement spirituel de Tory, Garamond se serait contenté de recopier les caractères de Griffo. Toutefois, celui qui a joué un rôle décisif dans la formation de Garamond est son maître Antoine Augereau qui avait en 1532 sorti un Romain révisé.

Le Romain de Garamond est donc fondé sur les minuscules de l’écriture carolingienne du IXᵉ siècle, telle qu’elle avait été pratiquée par les humanistes italiens et la presse d’Alde Manuce. Proche de l’esthétique vénitienne, ce Romain a en plus pour lui une perfection technique dont les Romains de Griffo et Jenson sont dépourvus. En 1550, des capitales furent adjointes au bas de casse. »

→ cit. Histoire du Romain de Garamond

« Pour l’exposition universelle de 1900, l’Imprimerie nationale procède à une nouvelle gravure d’un caractère retrouvé dans son fonds qui s’apparente au garamond. En vérité, Il s’agit du Jean Jannon, en sa possession depuis 1641. Béatrice Warde, sous le pseudonyme de Paul Beaujon, révélera cette méprise dans un célèbre article, The Garamond Type, Sixteenth and Seventeenth Century Sources Considered paru en 1926 dans The Fleuron. Nonobstant toute une partie des revivals qui sont créés dès lors puisent à cette source. La fonderie Deberny & Peignot, notamment, qui publie un garamond, en 1926, dont les travaux ont débuté en 1914, le plus employé en France durant des décennies. »

→ Michel Wlassikoff cit Garamond in Étapes N°203

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« En 1917, l’American Type Founder présenta son Garamond, une relecture baptisée Garamond N°3, œuvre des typographes Morris Fuller Benton et T.H. Cleland, d’après la version de Jannon. En 1924, la fonderie allemande Stempel sortit sa propre relecture, gravée, elle, d’après les dessins d’origine de la fonderie Egenolff-Berner de Frankfort. Stempel avait toutefois pris le soin de normaliser les traits du Garamond. Peu après, Linotype fit graver sous la supervision de Georges W. Jones, un caractère baptisé du nom du célèbre graveur lyonnais Robert Granjon mais qui est considéré aujourd’hui comme la plus belle reproduction des caractères classiques de Garamond. Comme le Stempel Garamond, il est en effet basé sur le spécimen de la fonderie Egenolff-Berner. »

→ cit. Histoire du Romain de Garamond

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« La seconde moitié du XXᵉ siècle est marquée par la recherche d’un garamond absolu, synthétisant toutes les qualités des types du XVIᵉ siècle. Jan Tschichold, à partir de 1964, à la demande d’un groupement d’imprimeurs allemands, se lance dans cette recherche avec pour objectif de dessiner un caractère exploitable en composition manuelle, composition mécanique et photocomposition. Il normalise la construction du garamond en lui enlevant les aspérités caractéristiques des types anciens pour le rendre plus économique. Baptisée Sabon, la garalde créée par Tschichold est sobre, sage, bien proportionnée. Il pâtit toutefois des impératifs techniques : ainsi, son ‹ f › italique raccourci pour l’utilisation sur Linotype. Commercialisé par les firmes Linotype, Monotype et Stempel, il est considéré comme l’une des plus belles interprétations contemporaines du Garamond. Maximilien Vox le qualifiera de ‹ hautement intelligent › et de ‹ véritablement humaniste ›.

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Repris du Garamond ITC, l’Apple Garamond est condensé à 80% et corrigé pour être facilement lisible à l’écran. Il est le type exclusif de la marque informatique à partir de 1984 jusqu’en 2002, suggérant ainsi une nouvelle Renaissance par le biais de l’informatique ; il est également le premier garamond numérisé. L’Adobe garamond (1989) de Robert Slimbach, conçu à partir d’une série d’épreuves conservées au musée Plantin-Moretus à Anvers, est le fruit d’une étude approfondie des sources historiques. Il possède un registre étendu, offrant non seulement les caractères latins mais également des jeux de grec et cyrillique, ces derniers librement inspirés du modèle de la Renaissance. Ce garamond de haute tenue est sans doute le plus utilisé désormais, d’autant qu’il est offert avec les logiciels Adobe. Il est complété, en 2005, par le Garamond Premier, rebaptisé par la suite Garamond Premier Pro dans sa version Open Type.

Garamond-ITC-Apple-Garamond-publicite

Caractère de texte par excellence, le Garamond est toujours largement employé dans l’édition en France. Il fait figure de monument, incarnant l’intemporalité des textes qu’il véhicule, dans le cadre de la Bibliothèque de la Pléiade, publiée par Gallimard. Depuis sa création, en 1931, par Jacques Schiffrin, cette collection est personnifiée par le garamont Deberny & Peignot strictement composé en corps 9. On retrouve cette dimension symbolique dans la conception par Pierre Faucheux des quatre volumes de l’Histoire de l’édition française (Cercle de la librairie 1989-1991), sous la direction de Roger Chartier et Henri-Jean Martin. Le Garamont de l’Imprimerie nationale, parmi les autres caractères exclusifs de l’établissement, est également magnifié dans des ouvrages alliant les qualités d’impression de plus haut niveau de son Atelier du livre d’art, tant au plan typographique que de l’estampe.

collection-la-pleiade-gallimard-garamondGustave-Flaubert,oeuvres,-t.-I,-Gallimard,-collection-La-Pleiade,-Paris,-2003.Histoire-de-l’edition-francaise,-sous-la-dir.-de-Roger-Chartier-et-Henri-Jean-Martin-Pierre-Faucheux

Bibliothèque de la Pléiade et Histoire de l’edition française conçu par Pierre Faucheux

De nombreux éditeurs puisent dans la vaste palette des interprétations du caractère pour offrir une identité singulière à leurs publications. C’est le cas des éditions Actes Sud qui privilégient l’ITC garmond et l’Adobe garamond. Les éditions Allia en font un usage exclusif dans une ligne graphique très tenue, destinée à souligner la rigueur d’essais et d’analyses souvent porteurs d’une critique radicale de la société moderne. Enfin, on dénichera, chez de petits éditeurs, comme Monsieur Toussaint-Louverture, à Toulouse, des pépites littéraires, romans et nouvelles, à la typographie ciselée dans le Garamond de Robert Slimbach. »
→ Michel Wlassikoff cit Garamond in Étapes N°203

Plus de ressources sur Claude Garamont :

garamond.culture.fr
Collection Garamond
Claude Garamond graveur et fondeur de caractères
Garamond vs Garamond | physiologie d’un caractère typographique par Peter Gabor
Accéder au comparateurs de fontes
→ Consulter The Garamond Type, Sixteenth and Seventeenth Century Sources Considered de Béatrice Warde
→ Consulter le specimen du Garamond de la fonderie Deberny et Peignot de 1926
Un entretiens avec Franck Jalleau
→ Un article en anglais sur typefoundry.blogspot.fr