Catalogue d’objets introuvables , Jacques Carelman – 1968
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« Les activités humaines sont innombrables et variées. Certains détournent des avions, d’autres des fonds publics ou la conversation, je préfère, quant à moi, détourner de leur usage courant les objets usuels. C’est moins dangereux, plus honnête, et infiniment plus divertissant ! Mes objets, parfaitement inutilisables, sont le contraire de ces gadgets dont notre société de consommation est si friande. Si on me le demandait, je les qualifierais de : poétiques, hilarants, absurdes, philosophiques, ingénieux, morbides, puérils, profonds, dérisoires… Le lecteur serait alors prié, selon son humeur, ses goûts et sa culture, de biffer les qualificatifs inutiles. » J.C.
« Artiste en tous genres. Carelman, a beaucoup illustré (des Mille et une nuits à Pierre Benoit), collé (pour son roman Saroka la géante, 1965), découpé en bande (dessinée : Zazie dans le métro, 1966). Il a conçu des rébus (pour les Fables de la Fontaine) et un Petit Supplément à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1971), mais c’est avec son Catalogue d’objets introuvables que sa notoriété connut une envolée. Il y propose une impressionnante quantité d’objets inédits, dans un ouvrage capable de remplacer le Catalogue de la Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Étienne, dont la disparition fut, après avoir procuré à Carelman et à quelques autres leurs “ premières et inoubliables émotions poétiques ”, celle d’un pan entier de la culture nationale.
Ce n’est pas parce que des objets sont réputés “ introuvables ” que l’on doit s’abstenir de les concevoir ou de les dessiner, bien au contraire. Un tel interdit nierait toute invention, même la plus banale ou la plus apparemment “ simple ”. L’adjectif “ introuvable ” qualifie donc une potentialité qui n’attend qu’une pointe de crayon pour basculer dans l’actuel. Carelman est responsable d’un tel basculement, et avec une jubilation qui en dit long sur ses propres capacités d’invention. Que la composition de son Catalogue d’objets introuvables fût nécessaire, on en a la preuve par le succès que rencontra l’ouvrage, qui, outre ses différentes éditions française, en connut de nombreuses en langues étrangères. Un tel succès se comprend aisément : chaque dessin inspire d’autant plus confiance dans la faisabilité de son objet qu’il est d’une impeccable précision, et accompagné d’une légende, soigneusement rédigée, qui énumère qualités et avantages de l’objet; le catalogue lui-même est présenté en chapitres subdivisés en sections (le travail : outillage, culture, articles de bureau et fournitures scolaires; la maison : ameublement, aménagement intérieur, sanitaire-hygiène, articles de ménage, etc.) qui permettent de découvrir rapidement de quoi améliorer son existence quotidienne. Comment ne pas être tenté par une paille à boire télescopique qui se transporte aisément, une tente de camping prémontée, un hamac canapé ou un protège-parapluie ? […] »