« Archigram ou un graphisme d’utilité utopique. Groupe d’architectes britanniques emblématique des sixties, Archigram introduit le graphisme au cœur de la cité dans des projets où la culture vernaculaire et pop, des pulps aux comics, révolutionne les concepts urbanistiques et environnementaux. »
– Pierre Ponant cit. étapes: 151 –
« Archigram (association des termes architecture et télégramme) est initialement une revue d’architecture avant-gardiste britannique des années 60 dont 9 numéros sortiront de 1961 à 1974. Initiée par six architectes, Peter Cook, David Greene, Mike Webb, Ron Herron, Warren Chalk et Dennis Crompton, la revue sera le support d’un mythe. Le milieu des années 50 incarne l’apogée de la production de masse. L’Angleterre est alors envahie par la culture américaine, inondée de ses produits industriels aux couleurs criardes, sous-culture de l’industrie du divertissement, films, rock’n’roll et autres dérivés de l’hyper consommation.
Suivant les traces de Richard Hamilton, des artistes de l’Independant Group, dont Reyner Banham et des recherches des Smithson, Archigram ouvre l’architecture à la culture pop. Sa forte iconographie, inspirée de la science-fiction et de la BD, est le support indispensable de son architecture éphémère du loisir et du plaisir. Le romantisme beatnik et le mythe d’une population nomade et individualiste que la technique libérera des contraintes de la sédentarité et de l’apesanteur hantent leurs collages. Leurs visions futuristes sont marquées par les structures de lancement des fusées de Cap Kennedy. Leurs slogans tournent autour du ludique, du jetable, du robot, du container, de l’événement, des branchements, de l’instantané, de l’émancipation, du gonflable […] »
– Marion Michaut cit. fresques.ina.fr –
« Le collectif dominera l’architecture radicale des décennies 1960 et 1970. Influencé par la les utopies urbaines de la première moitié du XXe siècle, il cherche à renouveler l’architecture et l’urbanisme. L’approche de ces architectes est – à l’image du poème-manifeste de David Greene – au croisement de leur discipline et de l’art. Dès 1963 ils critiquent le modernisme qui s’est imposé en Angleterre et dans le reste de l’Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale tant il leur semble fade. Ils reflètent en architecture l’enthousiasme exprimé dans la peinture par le pop art et dans musique avec la pop music. D’une certaine manière ils fondent une ‹ pop architecture › qui refuse la solennité de l’architecture et de la durabilité des bâtiments.
Ils refusent la contrainte du respect pour les constructions anciennes et le passé. Ils conçoivent en 1964 une ‹ ville vivante › (Living City) à la fois organique et mécanique, un lézard gigantesque qui ne soit pas attaché à un territoire spécifique. Ils proposent de se passer d’une réflexion sur le site, qui est un des éléments au cœur de l’architecture. Leurs plans proposent également une approche modulaire, mobile d’unités de vie, les ‹ living pod ›, comme dans Plug-in City (1964) ou Seaside Bubble (1966). La ville connecte ces unités entre elles, elle n’est que cet assemblage réticulaire de fonctions.
Archigram puise ses référence dans la science-fiction et les comics américains. Ces sources répondent par l’anticipation à des questions qui se posent maintenant. Le collectif inverse la proposition en important dans le présent des solutions futuristes aux problèmes d’aménagement et d’urbanisme contemporains.
Cette aventure intellectuelle ne se concrétise que dans très peu de réalisations concrètes, essentiellement des habitations expérimentales restées sans lendemain. À sa disparition en 1974, le groupe Archigram n’a réalisé que trois projets achevés en 1973 par Dennis Crompton et Ron Herron : une aire de jeu pour enfants à Milton Keynes ; une exposition au Commonwealth Institute de Londres ; une piscine pour le chanteur Rod Stewart à Ascot.
Mais l’approche de l’architecture par les unités de vie trouve un double prolongement. Prolongement artistique dans les travaux d’Alain Bublex, plasticien qui dans les années 2000 réactive Plug-in City dans une série d’oeuvres photographiques et vidéo où des unités d’habitations viennent se greffer sur les bâtiments, les transforment et les augmentent. Prolongement urbanistique par l’utilisation renouvelée des containers habitables de chantiers et surtout des conteneurs. Ces boîtes standards de fret, symbole de la mondialisation, inventés en 1971, servent à concevoir des maisons modulaires et bon marché. Cette modularité s’incarne dans les logements étudiants mis en place au Havre en 2010. »
– Alexandre Boza cit. fresques.ina.fr –
« Le collectif publie en 1961 le premier numéro de sa revue sur une grande feuille de papier bon marché avec pour volonté de dénoncer l’urgence de sortir du conservatisme londonien en matière d’architecture. Au poème manifeste de David Greene sont associés des croquis de projets architecturaux acerbes de Peter Cook et Michael Webb.
« Une nouvelle génération de l’architecture doit surgir avec des formes et des espaces, qui paraît rejeter les préceptes du moderne mais qui en fait retiennes ces préceptes. Nous avons choisi de contourner l’image décadente du Bauhaus qui est une insulte au fonctionnalisme »
– David Greene cit. Archigram 1, 1961 –
La revue, de facture simple, adopte vite des couleurs pétantes, outrageantes (du jaune fluorescent au rose bonbon en passant par le bleu électrique ), s’inspire largement de la culture pop et des fanzines américains (les premières pages du numéro 4 sont entièrement réalisées sous forme de bande dessinée). La mise en page est très libre et inventive, la typographie travaillée. Chaque numéro est de ce seul point de vue, avant même l’intérêt que l’on peut porter à son contenu, fort attrayant. […]
C’est en 1963 qu’Archigram donne son premier manifeste, Living City, à l’occasion d’une exposition à l’ICA (Institute of Contemporary Arts) de Londres. La ville, toute de technologie, apparaît comme un grand organisme unique, vivant, mouvant, un tout indissociable et malléable dans lequel les individus peuvent gagner leur liberté. Le projet futuriste paraît dans le troisième numéro de la revue. La renommée d’Archigram croît rapidement. La revue, qui avait à ses débuts quelques centaines de lecteurs, se vend désormais à plusieurs milliers d’exemplaires. Car Archigram, c’est avant tout un état d’esprit, un enthousiasme, un optimisme. L’envie de donner à la ville une architecture nomade, alternative, plus humaine. « Tout est possible », proclame Archigram. En 1964, Ron Herron présente son projet Walking City, une ville reptilienne dotée de pattes, libre de s’installer là où ses habitants le décident (dans le numéro 5) ; Peter Cook propose quant à lui Plug-in City, une ville construite en modules reliés entre eux, libre de changer de visage grâce à un système de grues intégrées (dans le numéro 4) – Cook développera son projet avec Plug-in University en 1965. […] »
– cit. gonefishing.over-blog.com –
Plus de ressources sur Archigram :
→ archigram.westminster.ac.uk (les archives d’Archigram en ligne)
→ Des vidéos présentant en détail chaque exemplaire du magazine
→ Consulter l’ouvrage Archigram: Architecture Without Architecture
→ Un article très complet sur design.designmuseum.org
→ Consulter l’article Archigram,de l’utopie à la folle fiction
→ Deux vidéos d’archives sur le site de l’INA : Archigram (1969) et Une nouvelle pensée de l’urbanisme : Archigram (1971)
→ Consulter l’ouvrage Beyond Archigram: The Structure of Circulation
→ Consulter le Archigram 5 de 1964
→ Une interview de Sir Peter Cook
→ Une conférence de Sir Peter Cook au Building Centre, 2011
→ Une courte vidéo présentant le travail de Ron Herron au sein d’Archigram
→ Consulter l’article La clé de vitalité de la ville par Peter Cook