Hans Eduard Meier

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« L’œuvre typographique de Hans Eduard Meier révèle plus de soixante ans de passion pour la lettre et la traversée de profondes mutations techniques. Si ses recherches des années 1950 restent d’actualité – aussi bien son livre Le Développement des caractères que le Syntax, essentiel dans le répertoire des fontes sans sérifs humanistiques –, il poursuit aujourd’hui avec de nouvelles créations, comme le Schulschriſt. Il est tentant de qualifier sa production de ‹ typographie durable ›.

Hans Eduard Meier a consacré sa vie à la lettre : création de caractères, typographie, calligraphie, enseignement et publication. Sa pratique, tout comme la nature de sa réflexion, s’éclairent à la lumière du temps long de l’histoire, classique comme moderne. Féru de calligraphie et habité par la forme des écritures et leur évolution depuis l’Antiquité, il publie Die Schriftentwicklung / The Development of writing / Le Développement de l’écriture en 1959. L’ouvrage est toujours disponible en réédition, sous un titre légèrement modifié. Ce livre – concis, nourri d’un vaste savoir-faire, issu de la main d’un calligraphe, et trilingue – est resté une référence en la matière depuis plus de cinquante ans.

C’est également dans les années 1950 que Hans Eduard Meier entreprend la conception du futur Syntax, un caractère qui combine la modernité des lettres sans sérifs avec certaines particularités des alphabets de la Renaissance. Cet alphabet prendra forme lentement : mûrissant au fil des décennies, ses remaniements successifs suivront aussi les profondes mutations techniques de la seconde moitié du XXe siècle. Outre le dessin de lettres, Hans Eduard Meier s’est également consacré à la pratique du graphisme, et a longtemps enseigné en parallèle à l’École des Arts Appliqués de Zurich (alors nommée Kunstgewerbeschule, et désormais Zürcher Hochschule der Künste [ZHdK]). Son œuvre et sa contribution peuvent aujourd’hui se lire comme un espace de sérénité, comme un îlot tranquille arrimé à l’épreuve du temps, tournant le dos aux exigences de productivité, de rentabilité et d’impact visuel.

Il est parfois utile de s’abstraire de la cadence impressionnante des avancées technologiques et de la dynamique actuelle pour revisiter les pages discrètes de l’histoire contemporaine. La production de Hans Eduard Meier réclame sans doute d’être appréhendée ainsi. Loin des impératifs liés au déferlement des images et des textes, sa carrière, vouée à l’écriture et à la typographie, découvre une pensée inscrite sur la durée. Cet engagement personnel correspond à la nécessité d’un cheminement intérieur, et s’attache à la volonté de donner forme à des convictions précises. Habité par une même passion de la lettre qu’Albert Boton, Hans Eduard Meier, toujours à l’œuvre, est actif depuis le milieu du XXe siècle. Fait exceptionnel, cette génération aura connu une double révolution des techniques d’impression. Vers 1950, alors que le procédé attribué à Gutenberg est utilisé depuis déjà cinq siècles et qu’il a engendré des systèmes de composition semi-automatisés (toujours sur le principe de la fonte du métal), la photocomposition s’apprête à succéder au plomb. Quelques décennies plus tard, au milieu des années 1980, l’avènement du numérique est sur le point de supplanter les techniques antérieures. Comme bien d’autres secteurs d’activités, la pratique du dessin de caractères se trouve bouleversée par ces évolutions. Les lettres, longtemps dessinées puis fabriquées manuellement une à une, peuvent désormais naître directement sur l’écran. Hans Eduard Meier adopte rapidement l’informatique, qui lui vaut un gain de temps considérable. Pour ceux n’ayant pas connu l’époque précédant les technologies numériques, il reste sans doute difficile de se représenter la capacité d’adaptation et la réorganisation exigées par de telles mutations. »

→ Roxane Jubert cit. Hans Eduard Meier, une vie dédiée aux caractères

« L’enseignement de la connaissance des caractères est une branche particulière dans une école d’art visuel. Et elle n’est pas particulièrement appréciée puisque requérant beaucoup d’attention, d’exactitude et de persévérance (…). Le dessin précis d’un caractère est de même un exercice réellement difficile (…). Souvent, les élèves ne sont pas préparés à l’étude de ces matières. (…) Grande est donc leur déception devant les exigences de précision et de rigueur dans le travail. Mais sans ces qualités de perfection et de constance, il n’est guère possible de dépasser le stade des balbutiements – non seulement dans le domaine de l’écriture et des caractères, mais encore par exemple dans la représentation exacte de la perspective par le dessin. (…) Au cours des premières semaines d’étude des caractères particulièrement, les libertés créatrices sont donc assez réduites. (…) Mais ensuite rapidement d’autres exercices, toujours dans la même optique, permettent de dégager une certaine indépendance et une démarche personnelle ² »

→ Hans Eduard Meier cit. « Mein Schriftunterricht im Vorkurs der Schule für Gestaltung in Zürich », Typografische Monatsblätter / Revue suisse de l’imprimerie, Suisse, n° 4, 1991, p. 1 et 2.

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Première version du Syntax, avant-projet de 1955.
Et version numérique du Syntax.

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Avant-projet pour le Syntax, 1955.

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Caractère Lapidar, version sans sérifs, 1995.
Source des images flickr- typotheque

Plus de ressources sur Hans Eduard Meier :

→ Consulter l’article très complet de Roxane Joubert, Hans Eduard Meier, une vie dédiée aux caractères
→ Consulter les Règles fondamentales de mise en page par Hans Eduard Meier
→ Un rapide passage dans l’ouvrage La typographie suisse du Bauhaus à Paris
→ Consulter également l’ouvrage Creative Type: A Sourcebook of Classic and Contemporary Letterforms
→ Pour les germanophile, une conférence de Hans Eduard Meier
→ Une rapide présentation dans le Repertoire typographique de Vincent Jaques
Ses différentes réalisations